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Quels sont les derniers chiffres en date de la fraude fiscale et sociale?

Le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a annoncé ce mardi matin qu'il présenterait dans les prochaines semaines un plan avec des mesures fortes pour lutter davantage contre la fraude fiscale et sociale. BFM Business fait le point sur les derniers chiffres en date à ce sujet.

Après les retraites, ce sera l'un des prochains grands chantiers du gouvernement d'Elisabeth Borne. Au lendemain de la prise de parole d'Emmanuel Macron, le ministre de l'Action et des Comptes publics Gabriel Attal a indiqué au micro de France Inter ce mardi qu'il accentuerait la lutte contre la fraude fiscale et sociale. "J’ai proposé à l’ensemble des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat de participer à l’élaboration d'un plan, a-t-il expliqué. Je le présenterai dans les prochaines semaines avec des mesures fortes pour lutter davantage contre la fraude fiscale et sociale dans notre pays."

Parmi ces mesures fortes, le ministre des Comptes publics souhaite doubler les effectifs du service d'enquête judiciaire ou encore mener à terme la réforme du RSA. Le gouvernement prévoit également d'empêcher les transferts d'allocations vers des comptes domicilés à l'étranger, tels que le Portugal ou dans les pays du Maghreb, comme l'a confirmé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur le plateau de BFMTV. Pour ce faire, l'exécutif sollicitera notamment les compagnies aériennes afin de tracer les déplacements des bénéficiaires. BFM Business est revenu sur les derniers chiffres communiqués par Bercy il y a deux mois et qui font état de l'ampleur connue du phénomène.

Plus de dix milliards d'euros d'impôts issus de contrôles de fraude fiscale

Le 23 février dernier, le ministère de l'Economie et des Finances publiait un bilan de la lutte contre les fraudes fiscale, douanière et sociale sur l'année 2022. Alors que le syndicat Solidaires Finances estime depuis plusieurs années que la fraude fiscale oscille entre 80 et 100 milliards d'euros par an, Bercy indique que l'administration fiscale a mis en recouvrement 14,6 milliards d'euros en 2022, un montant en hausse de 8,2% sur un an. Les opérations de contrôle fiscal sur place, principalement dans les entreprises, représentent 8,8 milliards d'euros de droits et de pénalités, le reste étant lié au contrôlé fiscal sur pièces.

En revanche, ce chiffre de 14,6 milliards d'euros établi par le ministère de l'Economie et des Finances n'inclut pas les crédits d'impôts indus et les taxes non remboursées par les contribuables. D'après les estimations du cabinet de Gabriel Attal qu'a obtenues Le Monde, le montant définitif publié dans deux mois par la Direction général des finances publiques (DGFiP) devrait s'élever à 17,6 milliards d'euros.

Il s'agit là des chiffres du recouvrement qui ne se traduisent pas systématiquement par des paiements des sommes dues pour deux raisons: la faillite des entreprises ou l'insolvabilité des particuliers ayant fraudé. En 2022, l'Etat a ainsi encaissé 10,6 milliards d'euros d'impôts à la suite d'un contrôle, un montant stable par rapport à 2021. "Ce résultat est porté principalement par l’impôt sur les sociétés et la taxe sur les salaires (+30% par rapport à 2021) et les droits de succession (+23% par rapport à 2021)", indique Bercy.

Forte hausse des cas détectés de fraudes à l'assurance maladie

En ce qui concerne la fraude sociale, l'Etat et les organismes de prestations sociales ont détecté 1,6 milliard d'euros en 2022. La fraude au recouvrement social représente près de la moitié de ce montant avec des redressements issus de la lutte des URSSAF contre le travail informel à hauteur de 788 millions d'euros. De son côté, le réseau des caisses d'allocations familiales (CAF) a détecté 49.000 cas de fraudes aux prestations sociales pour un préjudice total de 351 millions d'euros. C'est un peu plus que les 316 millions d'euros de fraude à l'assurance maladie détectés dans 19.000 dossiers, deux nombres en hausse d'environ 45% sur un an. Enfin, le réseau de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a évité 155 millions d'euros d'indus en 2022.

Le chiffre global de la fraude sociale (détectée ou non) est par nature délicat à estimer. En 2019, une note de l'Acoss, l'organisme de recouvrement des cotisations sociales, estimait que la fraude à la Sécurité sociale avait représenté entre 7 et 9 milliards d'euros en 2018.

Les propos de Bruno Le Maire évoquant une fraude de la part de personnes qui renverraient des aides sociales "au Maghreb" n'ont pas tardé à faire réagir dans la journée. Le leader de la France insoumise (LFI) Jean-Luc mélenchon s'est insurgé sur Twitter. "Chers compatriotes musulmans ou originaires comme moi du Maghreb, préparez-vous. Pour faire diversion le gouvernement annonce par la voix de Bruno Le Maire une nouvelle campagne pour vous montrer du doigt. Sang froid", a-t-il écrit. Pour le premier secrétaire du PS Olivier Faure, "l'extrême droite remplit dangereusement le vide gouvernemental", a-t-il déploré, regrettant sur Twitter que le gouvernement "mobilise des préjugés racistes pour éviter de rappeler que la fraude sociale est essentiellement le fait des employeurs et que la fraude fiscale est sans commune mesure".

Et le député insoumis Thomas Porte a souligné que "la +fraude sociale+ est estimée à 1 à 2 milliards d'euros par an. En revanche la fraude fiscale c'est entre 80 et 100 milliards d'euros par an", invitant Bruno Le Maire à "aller voir en Suisse", "plutôt que de parler du Maghreb et de reprendre les éléments racistes de l'extrême droite". Le député écologiste Aurélien Taché a de son côté estimé que les Français "en ont surtout marre que des gens comme Bernard Arnault, l'homme le plus riche du monde, demande la nationalité belge pour ne plus payer d'impôts en France". "Ils ont compris que vous êtes là pour faire diversion", a-t-il tweeté à l'adresse de Bruno Le Maire.

Timothée Talbi