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Pourquoi le bilan d'Emmanuel Macron ne se résume pas à une loi

Emmanuel Macron a notamment été un gage de sérieux auprès de la Commission européenne

Emmanuel Macron a notamment été un gage de sérieux auprès de la Commission européenne - Éric Piermont - AFP

Le désormais ex-ministre restera comme un homme de réformes dont le bilan n'a toutefois pas donné un gros coup de fouet à l'Économie. Mais il a œuvré sur de nombreux dossiers. Parfois en coulisses.

Emmanuel Macron a désormais rendu son tablier. Le désormais ex-ministre de l'Économie a présenté ce mardi 30 août sa démission au président de la République.

Le nom d'Emmanuel Macron reste associé à celui de la loi qui porte son nom et qui, politiquement, avait clairement marqué une fracture dans le camp socialiste. Mais au-delà de ce texte, le ministre s'est également illustré dans sa politique industrielle ou via le rôle qu'il a joué dans la loi El Khomri. 

> Sa loi éponyme

Souvent qualifié de "fourre-tout" par ses détracteurs, ce texte, promulgué il y a un an, est considéré comme ayant eu un impact économique limité. "Il y avait cette idée de casser les rentes, qui était une bonne idée. Mais cela n'a pas bouleversé l'économie française", juge Éric Heyer, économiste à l'OFCE, pour qui l'effet de cette loi sur la croissance "est positif, mais marginal et inmesurable".

  • La libéralisation des autocars

Il y a néanmoins au moins une mesure dont tous s'accordent à reconnaître l'importance: la libéralisation du transport en autocar qui a permis de créer 1.500 emplois et de transporter 4 millions de passagers. Sur le seul premier trimestre 2016, la hausse du trafic était de 69% selon l'Arafer, le régulateur des transports. Le vice-président du Medef, Thibault Lanxade affirmait ainsi à l'AFP, début août, qu'il s'agissait d'un "succès". "C'était un monopole de la SNCF mais on a réussi à libérer le transport", poursuivait-il.

  • Le travail dominical

Le bilan est plutôt positif aussi concernant le travail dominical et de nuit. La loi créait des ZTI (zones touristiques internationales) permettant aux commerces d'ouvrir à la fois le dimanche et en soirée sous réserve d'accords avec les syndicats. De grands accords ont été signés dans deux branches (la bijouterie, le luxe) ainsi que dans des grandes entreprises (Etam, Darty, Zara) et certains magasins, comme les Galeries Lafayette et le BHV. En revanche, les discussions achoppent encore à la Fnac.

La loi Macron permettait aussi aux maires d'accorder jusqu'à 12 ouvertures dominicales aux commerces de leur ville. Un succès a priori, puisque selon les chiffres du ministère de l'Économie communiqués en juillet, un quart des édiles des 70 plus grandes villes de France ont donné le maximum d'autorisations et 43% d'entre eux ont accordé plus de dimanches que l'an passé.

  • La liberté d'installation

La loi Macron facilitait également la liberté d'installation des notaires. À ce titre, l'Autorité de la concurrence avait publié en juin dernier une proposition de carte avec les villes où les notaires peuvent s'installer librement. Elle recommandait alors l'installation de 1.650 nouveaux notaires d'ici à 2018, soit une hausse de 20%.

> Sa contribution à la loi El Khomri

Le ministre de l'Économie aurait dû présenter un autre projet de loi appelé NOÉ (pour "nouvelles opportunités économiques") qui finalement sera fusionné avec la loi El Khomri. "Ce qui est important ce n'est pas tant le flacon que son contenu", fait alors valoir Emmanuel Macron.

À tel point que nombreux sont ceux qui qualifient le texte de "loi Macron II". Il est vrai que nombreuses sont les idées de l'ex-locataire de Bercy qui s'y retrouvent. Le barème des indemnités prud'homales et l'assouplissement des licenciements économiques ont notamment été portés par l'ex-conseiller de François Hollande, même si ces mesures ont été ensuite sensiblement amendées. À la demande de la CFDT, le plafond des indemnités aux prud'hommes avait ainsi été remplacé par un simple barème indicatif.

Plus globalement, dès août 2014, Emmanuel Macron souhaitait permettre aux entreprises d'avoir plus de souplesse pour négocier le temps de travail. Ce que beaucoup considéraient comme une attaque envers les 35h. Or l'essence même de la loi El Khomri est de permettre aux entreprises d'aménager leur temps de travail via des accords avec les représentants du personnel. La parenté est donc évidente. Emmanuel Macron lui-même jugeait d'ailleurs que texte signait "de facto" la fin des 35 heures.

> Son rôle auprès de Bruxelles

De par sa posture réformatrice, Emmanuel Macron a apaisé le dialogue avec la Commission européenne qui, avant sa venue à Bercy, menaçait de sanctionner la France sur les déficits. Début 2015, Bruxelles a donné un répit à l'Hexagone en lui laissant jusqu'à 2017 pour passer sous les 3% du PIB. Et Emmanuel Macron n'y serait pas étranger. "Si la France a obtenu un nouveau calendrier de réduction des déficits, Macron y est pour beaucoup car ses réformes ont servi de gages. Là où Montebourg tendait le dialogue, Macron a rassuré sur la volonté de la France à tenir ses objectifs", estime Éric Heyer. "On peut considérer qu'il a permis à la France d'avoir des marges de manœuvre. Et heureusement, car sans ce report, les hausses d'impôts nécessaires auraient été pires et la croissance n'aurait pas pu se reprendre", affirme-t-il.

> Son duel avec Carlos Ghosn

On a parfois tendance à l'oublier, mais le mandat d'Emmanuel Macron s'est aussi accompagné d'une nouvelle doctrine de l'État actionnaire qui fait de ce dernier un investisseur plus dynamique. Et qui donne de la voix. Emmanuel Macron s'était ainsi opposé au PDG de l'alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn, au sujet des droits de vote double de l'État chez le constructeur français. L'exécutif était allé jusqu'à augmenter sa participation dans le groupe de 15 à 20% pour pouvoir imposer l'application de la loi Florange qui récompense les actionnaires de long terme avec ces votes doubles. Manœuvre peu appréciée par l'état-major de Renault qui y vit un facteur de déstabilisation de l'alliance. Emmanuel Macron affirmera que l'État "n'est pas un actionnaire naïf", recadrant Carlos Ghosn ("il est PDG, pas actionnaire"). Au final, un accord fut signé en décembre 2015, après huit mois de bras de fer.

> Sa politique industrielle

Emmanuel Macron a aussi dû gérer les difficultés des grandes entreprises énergétiques appartenant à l'État. Il a ainsi en partie piloté le sauvetage d'Areva de 5 milliards d'euros et son rapprochement avec EDF. "Nous avons décidé de clarifier la gouvernance de la filière nucléaire. Cela a été brutal: la vérité des prix a été faite, et cela a fait très mal. Mais si nous ne l'avions pas fait à ce moment-là, le groupe serait à plat aujourd'hui", affirmait-il en février au Figaro.

Concernant EDF, Emmanuel Macron avait donné son aval à la recapitalisation du groupe de 4 milliards d'euros dont 3 milliards par l'État. Il a aussi défendu fermement le projet d'EPR au Royaume-Uni alors que ce dernier ne faisait clairement pas l'unanimité au sein de l'électricien.

J.M.