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Les citoyens suisses vont-il autoriser l'espionnage des bénéficiaires des assurances sociales?

Le texte de loi permettra par exemple de suivre un assuré soupçonné de fraude ou de le filmer alors qu'il est installé sur un balcon ou dans son jardin

Le texte de loi permettra par exemple de suivre un assuré soupçonné de fraude ou de le filmer alors qu'il est installé sur un balcon ou dans son jardin - Ieana1790- CC

Ce dimanche, en Suisse, les électeurs sont invités à s'exprimer sur la possibilité de donner davantage de moyens de surveillance aux compagnies d'assurances santé. Le texte leur donnerait le droit de suivre les assurés ou de les filmer pour vérifier qu'ils sont bel et bien malades.

Les Suisses vont-ils autoriser la chasse aux tricheurs, officiellement en arrêt maladie alors qu'ils sont tout à fait en mesure de travailler? Un référendum (ou plus exactement une votation, comme on dit chez nos voisins) est organisé ce dimanche pour permettre, ou non, aux assurances santé de mettre en place une surveillance "secrète" de ceux qu'ils soupçonnent de frauder.

Le texte de loi, intitulé "base légale pour la surveillance des assurés", permettra par exemple de suivre un assuré soupçonné de fraude ou de le filmer alors qu'il est installé sur un balcon ou dans son jardin.

Une surveillance en cas d'indices concrets de fraude

Proposé en mars par le gouvernement (Conseil fédéral), il prévoit une extension des prérogatives des assurances pour se prémunir contre les resquilleurs, et notamment la possibilité d'"observations secrètes" dans le cas d'"indices concrets de perceptions indues".

Selon un sondage de l'institut gfs.bern, le texte recueillerait l'approbation d'environ 60% des électeurs suisses. Mais ses opposants, parvenus à réunir plus que les 100.000 signatures nécessaires au déclenchement d'un référendum, martèlent qu'il constitue une violation injustifiée de la vie privée.

La surveillance des fraudeurs n'est pas vraiment nouvelle en Suisse, mais elle a connu un coup d'arrêt à la suite d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme de 2016. Celle-ci a fait droit à la demande d'une assurée suisse, Savjeta Vukota-Bojic, qui jugeait que la surveillance dont elle avait fait l'objet était une atteinte à sa vie privée.

Renversée par une moto en 1995, elle avait été sollicitée dix ans plus tard pour un nouvel examen médical. Son refus avait poussé son assureur à recourir aux services de détectives. À la suite d'une surveillance, ses allocations avaient été réduites de 90%. Une décision validée par les juridictions suisses, mais condamnée par Strasbourg car "insuffisamment précise" sur le type de surveillance autorisée.

Un texte jugé trop ambigu

"Les bénéficiaires honnêtes n'ont aucune raison de s'inquiéter, leurs prestations restent inchangées", soutient aujourd'hui Mauro Tuena, parlementaire de l'UDC (Union démocratique du centre, droite populiste), dans une tribune favorable au oui.

Silvia Schenker, élue PS, estime quant à elle que le texte, sous l'influence du lobby des assurances, manque de "clarté juridique". "Si le parlement veut autoriser la surveillance des assurés, il doit définir les limites et obligations clairement et sans ambiguïté", affirme-t-elle.

C.C. avec AFP