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La tension monte entre États-Unis et Chine autour du cas Huawei, accusé d'espionnage industriel

Le ministre américain de la Justice par intérim, Matthew Whitaker, le 28 janvier 2019, met en cause le Chinois Huawei lors d'une conférence de presse à Washington.

Le ministre américain de la Justice par intérim, Matthew Whitaker, le 28 janvier 2019, met en cause le Chinois Huawei lors d'une conférence de presse à Washington. - Saul Loeb-AFP

Les États-Unis lancent une série de chefs d'inculpation contre la dirigeante de Huawei, arrêtée au Canada et au coeur d'un bras de fer diplomatico-judiciaire, mais aussi contre le géant chinois des télécoms, accusé d'espionnage industriel. La Chine dénonce des manipulations politiques des États-Unis.

Le ministère américain de la Justice a dévoilé 13 chefs d'inculpation, liés à des violations des sanctions américaines contre l'Iran, à l'encontre du groupe chinois de télécoms et de sa directrice financière Meng Wanzhou, arrêtée au Canada en décembre 2018 à la demande des enquêteurs américains.

Parallèlement, il a inculpé deux filiales de Huawei, notamment d'association de malfaiteurs en vue de voler des secrets industriels, en l'occurrence des technologies cellulaires de l'américain T-Mobile, à son siège de Bellevue, dans l'Etat de Washington, dans le nord-ouest des États-Unis. Dans le viseur des ingénieurs de Huawei, selon l'acte d'accusation: le robot "Tappy", imaginé par T-Mobile pour reproduire un doigt humain et tester ainsi ses appareils cellulaires.

Deux filiales de Huawei visées par 10 chefs d'inculpation

Ces deux filiales, Huawei Device Co., Ltd. et Huawei Device Co. USA, sont visées au total par dix chefs d'inculpation pour des faits remontant à la période 2012-2014, parmi lesquels figure également une accusation d'obstruction à la justice.

"Ces deux séries d'inculpations mettent au jour les actions éhontées et persistantes de Huawei pour exploiter les sociétés et institutions financières américaines et pour menacer la concurrence mondiale libre et équitable", a déclaré le directeur du FBI, Christopher Wray.

La Chine dénonce des "manipulations politiques"

Réagissant à ces mises en cause, la Chine a accusé "l'Oncle Sam" de "manipulations politiques" dans l'affaire Huawei, après que Washington a dévoilé des chefs d'inculpation contre le géant chinois des télécoms et sa directrice financière, actuellement détenue au Canada. "Les États-Unis utilisent le pouvoir de l'État pour discréditer et attaquer certaines entreprises chinoises, dans une tentative d'étrangler leurs opérations, qui sont légitimes et légales", a indiqué dans un communiqué Geng Shuang, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. "Il y a derrière tout cela de fortes visées politiques, des manipulations politiques."

En liberté surveillée au Canada, la dirigeante de Huawei, doit comparaître le 6 février devant un juge canadien dans le cadre de la procédure d'extradition lancée par les États-Unis avant la date butoir du 30 janvier.

La dirigeante de Huawei Meng Wanzhou le 11 décembre 2018 à Vancouver
La dirigeante de Huawei Meng Wanzhou le 11 décembre 2018 à Vancouver © -, CTV/AFP

Dans ce qui a été largement interprété comme des représailles de Pékin, la Chine a depuis arrêté deux Canadiens et un tribunal chinois en a condamné à mort un troisième.

La crise diplomatique avec Ottawa a même abouti au limogeage, par le Premier ministre canadien Justin Trudeau, de son ambassadeur en Chine John McCallum, en raison de propos controversés sur la procédure d'extradition de Meng Wanzhou.

Si Washington, qui s'inquiète des avancées technologiques chinoises, est en pointe pour contrer Huawei, le géant des télécoms est l'objet de regards de plus en plus suspicieux dans un nombre grandissant de pays occidentaux, à tel point que le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a dénoncé vendredi une campagne internationale "injuste et immorale".

Huawei exclu de la 5G par plusieurs pays

Plusieurs États (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada) ont exclu Huawei du déploiement de la 5G (cf encadré ci-dessous), mettant parfois en cause des failles sécuritaires voire des soupçons d'espionnage, que le groupe dément catégoriquement.

L'administration américaine de Donald Trump a lancé ces derniers mois une offensive tous azimuts contre la Chine, l'accusant de vol de technologies, de "bellicisme à l'égard de ses voisins", ou encore de développer un "Etat totalitaire à l'intérieur de ses frontières" en bafouant notamment les droits des minorités religieuses. Cette attaque contre Huawei se déroule sur fond de guerre commerciale déclenchée par le président Trump à coups de taxes douanières.

Ces inculpations "n'ont rien à voir avec nos négociations commerciales avec la Chine", a assuré lundi 28 janvier le ministre américain du Commerce Wilbur Ross. Mais il a aussitôt ajouté que son ministère continuerait de travailler avec le reste du gouvernement "pour protéger les intérêts de sécurité nationale".

exclusion de huawei: un groupe australien renonce à son réseau mobile 5g

L'opérateur de télécommunications TPG annule son projet de créer le quatrième réseau de téléphonie mobile du pays en invoquant l'exclusion du chinois Huawei du déploiement de la 5G dans l'immense île-continent. Le projet n'est plus viable du fait le l'interdiction de 5G infligée à son "principal vendeur d'équipements" Huawei, deuxième fabricant mondial de smartphones et géant planétaire des infrastructures télécoms, a déclaré TPG.

Le groupe chinois est soupçonné de poser un problème de sécurité nationale dans plusieurs pays qui lui ont interdit de bâtir un réseau internet ultrarapide 5G. TPG a ajouté qu'il avait déjà dépensé 100 millions de dollars australiens (62,8 millions d'euros) pour construire un nouveau réseau mobile.

Frédéric Bergé avec AFP