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En Côte d'Ivoire, les taxis brousse cèdent la place aux voiturettes solaires

Ces voiturettes à trois roues, mesurant 2,7 mètres de long et deux de haut, sont couvertes des panneaux photovoltaïques chargeant six batteries de 12 volts.

Ces voiturettes à trois roues, mesurant 2,7 mètres de long et deux de haut, sont couvertes des panneaux photovoltaïques chargeant six batteries de 12 volts. - Sia Kambou- AFP

La station balnéaire de Jacqueville, à l'ouest d'Abidjan, ambitionne d'être la première cité écologique de Côte d'Ivoire. Pour remplacer les assourdissants et polluants taxis-brousse, une dizaine de voiturettes à trois roues circulent dans les rues depuis le début de l'année.

Dans les rues de Jacqueville, des tricycles solaires de fabrication chinoise ont fait leur apparition. Ils sont destinés à remplacer les taxis-brousse ou "wôro-wôrô". "C'est moins cher et tranquillisant!", affirme Sandrine Tétélo, une commerçante de Jacqueville. Ces voiturettes à trois roues, mesurant 2,7 mètres de long et deux de haut, sont couvertes des panneaux photovoltaïques chargeant six batteries de 12 volts. Autonomie de circulation: 140 kilomètres.

Quand, au retour d'un voyage en Chine, leur promoteur Marc Togbé a démarché le maire de Jacqueville, Joachim Beugré, celui-ci a immédiatement accepté de tenter l'expérience dans sa ville, une station balnéaire située à l'ouest d'Abidjan. "On a l'habitude de voir des taxis-brousse (souvent vétustes) polluer l'atmosphère et l'environnement. On s'est dit que si on pouvait les remplacer par des voiturettes solaires", ce serait mieux, explique Joachim Beugré.

"L'aventure a débuté en janvier avec deux voiturettes", raconte Marc Togbé, qui s'est allié à un homme d'affaires de la ville, Balla Konaté, pour lancer le projet. Ce dernier envisage déjà d'étendre l'expérience aux villes d'Odiénné (nord-ouest) et de Korhogo (nord), dans les régions les plus ensoleillées au nord du pays.

Une vingtaine de salariés

"Aujourd'hui, une dizaine de voiturettes circulent. Nous sommes en pleine expérimentation", s'exclame Joachim Beugré, le maire, selon qui la population approuve l'initiative. L'activité des tricycles mobilise une vingtaine de salariés dont des chauffeurs et des mécaniciens.

"Dès six heures du matin, nous sommes à pied d'oeuvre, pour finir aux environs de 22 heures voire minuit les weekends", explique Philippe Aka Koffi, 24 ans, chauffeur depuis cinq mois d'une voiturette.

"C'est agréable, pour des courses plus rapides", se félicite Aholia Guy Landry, un passager, en sortant de l'engin qui peut accueillir quatre personnes, conducteur compris. Il dit apprécier le prix très compétitif d'une course, deux fois moins chère qu'en taxi-brousse (100 FCFA contre 200 FCFA pour les "wôro-wôrô").

Entre 500 et 1.000 personnes utilisent les voiturettes solaires chaque jour, selon la mairie et le promoteur.

Bientôt un car solaire

Logée entre lagune et océan, Jacqueville, longtemps isolée, connait un essor immobilier et touristique depuis l'inauguration en 2015 d'un pont qui la relie au continent et la place désormais à moins d'une heure d'Abidjan.

Pour la rentrée scolaire en octobre, la municipalité prévoit de mettre en circulation un "car solaire" de 22 places pour faire face à "l'épineux problème du transport des écoliers", obligés de parcourir des dizaines de kilomètres depuis les villages environnants pour venir en ville.

Les voiturettes sont l'un des éléments d'un projet beaucoup plus vaste de la mairie de Jacqueville: la construction d'une nouvelle ville "écolo-touristique" sur 240 hectares au milieu des cocotiers, pour un budget prévisionnel de 6 milliards de FCFA (9,1 millions d'euros).

"Ce ne sera pas une cité pour riches", assure le maire, en exhibant le plan, avec ses pistes cyclables mais aussi une université.

Le solaire encore marginal

Mais les ambitions écologiques de Jacqueville se heurtent à une réalité énergétique bien différente au niveau national: la Côte d'Ivoire, leader dans le secteur de la production électrique en Afrique de l'ouest, a consommé à peine un mégawatt d'énergie solaire en 2018, alors que le pays vise une consommation de 11% provenant des renouvelables d'ici à 2020, selon l'Association ivoirienne des énergies renouvelables (AIENR).

La fourniture d'électricité de la Côte d'Ivoire (2.000 MW) est assurée à hauteur de 75% par l'énergie thermique et le reste par les barrages hydroélectriques.

N'en déplaise: "Notre projet écologique ira jusqu'au bout", affirme le jeune maire de Jacqueville, coiffé d'un chapeau de cow-boy. Il se dit décidé à affronter "la puissance pétrolière et gazière". Et se prend déjà à rêver que, "dans les années à venir" les engins solaires deviennent "le principal mode de déplacement sur le territoire communal".

C.C. avec AFP