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De l'argent versé gratuitement aux ménages: la "monnaie hélicoptère" peut-elle relancer l'économie?

La monnaie hélicoptère a de plus en plus d'adeptes

La monnaie hélicoptère a de plus en plus d'adeptes - Peter Griffin - Public Domain - CC

Alors que l'inflation et la croissance demeurent modestes, de plus en plus d'économistes suggèrent aux banques centrales de financer directement l'économie sans passer par les circuits économiques traditionnels pour relancer la demande. Il s'agirait en clair de donner de l'argent aux ménages et aux entreprises pour les inciter à consommer et investir.

Le concept n’est pas nouveau mais il continue de gagner du terrain. Alors que les banquiers centraux se sont retrouvés à Jackson Hole vendredi pour leur réunion annuelle, la société multinationale de gestion d'actifs BlackRock s'est particulièrement fait remarquer en suggérant aux banques centrales de "mettre de l'argent directement dans les mains des consommateurs des secteurs privés et publics" afin de relancer la croissance et l'inflation, rapportent Les Échos.

Cette proposition reprend le concept de "monnaie hélicoptère" défini pour la première fois par Milton Friedman en 1969. À travers cette expression, l'économiste américain décrit de manière imagée l'idée selon laquelle les autorités monétaires largueraient par hélicoptère au-dessus de la population les billets qu'elles impriment.

Créer de l'inflation

En clair, il s'agirait pour la BCE par exemple de verser directement l'argent créé dans les poches des citoyens européens, sans passer par le circuit traditionnel des banques commerciales qui peinent parfois à convertir les liquidités qu'elles reçoivent des banques centrales en argent "réel", via des crédits. Ce dispositif n'implique aucune contrepartie, à l'inverse de ce qui se pratique lorsque la banque centrale fait tourner la "planche à billets" pour financer le déficit public.

En Europe, l'objectif final de cette proposition, qui n'a jamais dépassé le stade de la théorie, serait de stimuler la demande des ménages (consommation) et des entreprises (investissement) pour créer de l'inflation et se rapprocher des fameux 2% souhaités par Bruxelles. Dans la même optique, les économistes de BlackRock proposent d'offrir des prêts à taux zéro perpétuels à tous les citoyens adultes de la zone euro.

Une alternative à la politique monétaire conventionnelle 

Dans la pratique, les économistes de BlackRock préconisent de confier aux banques centrales la gestion d'un compte spécial de dépenses. Mais pour éviter qu'une quantité excessive de liquidités inonde les ménages et les entreprises, le gestionnaire d'actifs conseille d’en limiter la taille de sorte que le compte puisse être clos une fois l'objectif d'inflation atteint.

Deux raisons justifient la mise en pratique de la "monnaie hélicoptère", selon BlackRock. D'abord, les taux d'intérêt sont déjà à des niveaux historiquement bas, voire négatifs. Autrement dit, la BCE n'a plus beaucoup de marge de manœuvre dans sa politique monétaire conventionnelle qui consiste à baisser ses taux pour encourager les emprunts et donc la demande. D'autant que l'efficacité de cette mesure semble limitée, l’inflation et la croissance demeurant encore aujourd’hui particulièrement faibles.

De leur côté, les États, qui se serrent déjà la ceinture, ne semblent pas prêts à utiliser les instruments budgétaires à leur disposition (dépenses publiques, endettement public…) pour relancer la croissance et l'inflation. Alors, autant confier directement aux banques centrales la mission de stimuler le pouvoir d'achat des ménages, selon BlackRock.

Risque de thésaurisation

De plus en plus d'économistes estiment que l'idée de "l'hélicoptère monétaire" permettra de relancer l'économie mondiale. Mais les banques centrales rechignent. En Europe, le président de la BCE Mario Draghi avait jugé en 2016 la proposition intéressante tout en ajoutant qu'elle n'avait pas encore été étudiée par la BCE.

Il faut dire que cette pratique comporte un risque majeur: la thésaurisation. Rien ne dit en effet que les ménages joueront le jeu. Ils peuvent très bien épargner leurs gains supplémentaires, auquel cas la mesure perdrait en efficacité. L'autre risque serait de voir le surplus de consommation profiter avant tout aux produits importés hors UE.

Paul Louis