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Comment l'Ukraine a coupé les ponts économiques avec la Russie

Alors que le pays entretenait des échanges intenses avec le grand frère russe, tout a basculé après l'invasion de la Crimée en 2014.

Si l'Ukraine a choisi de basculer politiquement et militairement du côté de l'Europe et de l'occident depuis plusieurs années, au grand dam de la Russie, le pays s'est attaché dans le même temps à dénouer méthodiquement les liens économiques qui le liait avec le voisin russe. Des liens historiques, étroits et intenses.

Après l'effondrement de l'URSS puis la création de la Fédération de Russie, l'Ukraine indépendante (1991) n'avait pas vraiment d'autres choix que de maintenir des échanges commerciaux forts avec le grand frère russe. Ne serait-ce que pour le pétrole et le gaz.

Concrètement, en 2011, 30% de ses exportations ukrainiennes prenaient le chemin de la Russie tandis que le pays devait encore massivement importer des produits notamment des hydrocarbures.

Mais si l'Ukraine affirme et entend maintenir un certain tropisme russe, les appels du pied de l'Union européenne ne la laisse pas indifférente. Il faut rappeler que le pays dispose d'importants atouts: céréales, huiles, acier, fer, potasse...

En 2011, 30% des exportations en Russie

Dans le même temps, l'Ukraine vit une crise politique et économique et voit sa croissance s'effondrer de 60% entre 1989 et 1999. Le pays cherche alors de nouveaux relais de croissance à l'ouest tout en souhaitant maintenir ses échanges avec la Russie. Reste qu'en 2001, le gouvernement prend la décision d'accélérer le processus d'adhésion à l'OMC, l'organisation mondiale du commerce. Elle y entre en 2008, trois ans avant la Russie.

Mais c'est bien l'invasion de la Crimée en 2014 avec l'intervention militaire russe qui va accélérer le mouvement et pousser l'Ukraine dans les bras de l'Europe (et de la Chine). En 2014 et 2015, le PIB dévisse de 6,6% et de 9,8%. De quoi inciter l'Ukraine à s'engager auprès de l'UE avec un accord commercial signé en 2014 et entré en vigueur en 2016.

"La Russie a poussé l’Ukraine dans les bras de l’Union européenne. Il n’y avait pas de sentiment pro-européen avant l’invasion de la Crimée en 2014: l’idéal pour le pays était de signer des accords commerciaux avec chaque partie. L’Ukraine s’est retrouvée à devoir réorienter son économie" explique Veronika Movchan, directrice du Centre des études économiques, à Kiev.

Accord de libre échange avec l'Union européenne

Cet accord prévoit notamment la suppression de nombreux droits de douane sur plusieurs années. L'an prochain, l'Union européenne et l'Ukraine doivent d'ailleurs tenir un sommet pour évaluer les résultats de cet accord.

Autant d'éléments qui font que macroéconomiquement, le glissement commercial à l'ouest se confirme et accélère. En 2015, 21% des importations ukrainiennes viennent de Russie et plus que 12% de ses exportations s'y dirigent (contre 30% en 2011).

Les années suivantes, les relations entre les deux pays se détériorent encore avec un conflit armé qui s'installe dans l'est du pays, notamment au Dombass. La Russie prend des "contre-sanctions" envers l’Ukraine entrées en vigueur le 1er juin 2019, qui interdisent temporairement les exportations de charbon, de pétrole et de produits pétroliers ainsi que les importations depuis l’Ukraine d’équipements mécaniques, de produits métalliques et issus de l’industrie légère.

Résultat, en 2019, les importations depuis la Russie baissent de 30% puis encore de 5% en 2020...

Accélération des échanges avec l'UE mais aussi la Chine

Finalement, la part de l'UE dans les exportations de marchandises de l'Ukraine est passée de 34,1% en 2015 à 41,4% en 2018 (OMC).

Mais si on raisonne par pays, c'est bien la Chine qui aujourd'hui est devenu le premier partenaire commercial de l'Ukraine qui tisse des liens avec l'empire du Milieu depuis plusieurs années déjà. Le pays y voit un très importants débouchés pour ses céréales tandis que le Chine lui vend des machines.

En 2019, les principaux clients de l'Ukraine sont ainsi la Chine (7,2% des exportations), la Pologne (6,6%), la Russie (6,5% contre 30% en 2011), la Turquie (5,2%), l'Italie (4,9%), l'Allemagne (4,8%), l'Égypte (4,5%) et l'Inde (4,1%) (Centre du commerce international).

La France est le 9ème fournisseur de l’Ukraine avec une part de marché de 2,8%, en hausse constante par rapport à son niveau d’avant crise (2,2% en 2013). Elle y exporte des produits chimiques, parfums et cosmétiques (35,4%), des équipements (19,1%,), des matériels de transport (9,2%), des produits pharmaceutiques (8,8%) et des produits agricoles (8%).

La Chine représente également 15% des importations ukrainiennes devant la Russie (11,5% contre 21% en 2015), de l'Allemagne (9,9%), de la Pologne (6,8%), de la Biélorussie (6,2%) et des États-Unis (5,4%).

Quelles sont les exportations et les importations de l'Ukraine?

En 2019, les principaux produits exportés étaient les céréales (19,32%), le fer et l'acier (17,52%), les graisses et huiles (9,49%), les machines électriques et les carburants.

Les principaux produits importés étaient les carburants (20,06% des importations), les machines (10,97%), les équipements électriques (10,97%), les véhicules (9,55%), les plastiques et les produits pharmaceutiques.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business