BFM Business
Economie et Social

Manque de doses, patients inquiets... Les pharmaciens s'alarment pour leur campagne de vaccination

Les conditions de remboursement du Smecta encore durcies

Les conditions de remboursement du Smecta encore durcies - FRANCK FIFE

La campagne de vaccination qui débute ce lundi 15 mars dans les pharmacies risque d'être poussive avec des quantités de doses bien inférieures à celles prévues. Des pharmaciens qui tentent de rassurer des patients de plus en plus inquiets par le vaccin AstraZeneca.

Ce n'est pas un début de campagne en fanfare. Alors que les pharmaciens attendent depuis des semaines de pouvoir vacciner contre le Covid-19, la campagne qui s'ouvre pour eux ce lundi 15 mars risque de faire des déçus.

Les officines qui avaient vacciné des millions de Français contre la grippe en fin d'année dernière se sentent un peu perdues.

"Nous devions avoir un flacon de 10 doses par pharmacie, puis deux flacons et finalement nous apprenons par Olivier Veran que ce sera sans doute beaucoup moins, déplore Pascal Fontaine, le directeur commercial du groupe de pharmacies Lafayette. Pourtant nos 124 pharmacies sont prêtes, nous avons des millions de seringues, avons formé tous nos pharmaciens et notre plateforme de prise de rendez-vous sur Doctolib est prête, mais nous ne savons pas quand nous aurons les doses et en quelle quantité."

Les pharmacies qui fournissent déjà depuis quelques semaines les doses de vaccins aux médecins généralistes ont passé commande en début de semaine pour recevoir leurs propres doses. Mais pour l'heure, elles n'ont toujours rien reçu.

"Nous espérons recevoir les premiers flacons ce lundi 15 mars dans les 18 départements prioritaires, espère Pascal Fontaine. Pour les autres départements, ce ne sera pas avant le 20 mars."

Seulement 335.000 doses la première semaine

La campagne de vaccination qui devait prendre de l'ampleur avec l'entrée en jeu des officines risque de décevoir.

"Nous allons livrer 335.000 doses la semaine du 15 mars dans 1000 pharmacies, détaille Emmanuel Déchin, le délégué général de Chambre Syndicale de la Répartition Pharmaceutique qui représente les grossistes de la pharmacie. A titre de comparaison, nous avons livré 830.000 doses cette semaine pour la vaccination des médecins généralistes."

Des doses rationnées par Santé Publique France qui le reçoit directement du fabricant AstraZeneca et qui les distribue ensuite gratuitement aux grossistes répartiteurs. Ces derniers les livrent ensuite aux officines qui auront passé commande en fonction du nombre de patients inscrits sur les plateformes Doctolib ou Ordoclic.

"Mais dans tous les cas, ce sera limité à un flacon par pharmacie", estime Emmanuel Déchin.

Une marge de manoeuvre très limitée liée aux difficultés d'approvisionnement. Des livraisons qui seront moins importantes que prévu comme l'a confirmé ce jeudi le ministre de la Santé.

Ainsi le pays qui devait initialement recevoir 6,4 millions de doses de vaccin AstraZeneca en mars n'en recevra finalement que 6 millions, soit 400.000 de moins selon les données communiquées par le ministère de la Santé. Ce qui explique notamment que les médecins ne seront pas servis la semaine du 15 mars.

Et le retard ne se sera pas rattrapé les mois suivants, au contraire. Dans le nouveau calendrier prévisionnel de livraisons communiqué par le ministère, la France devrait recevoir tous vaccins confondus 29,2 millions de doses en avril (contre 34,7 millions initialement prévues) et 47,3 millions en mai (55,6 millions précédemment).

"Il faut rassurer sur le vaccin"

Des mises à jour régulières qui inquiètent les pharmaciens tentés de faire des stocks pour être sûr de pouvoir pratiquer les rappels.

"Quand nous allons faire la première injection, nous allons devoir fixer le deuxième rendez-vous entre quatre et neuf semaines plus tard, indique Pascal Fontaine. Nous sommes en train de chercher des protocoles pour conserver et stocker des doses car le gouvernement lui-même ne sait pas de combien de doses il disposera."

A ce contexte d'incertitude s'ajoutent les polémiques avec les médecins et la peur nouvelle liée aux effets secondaires du vaccin AstraZeneca.

"La polémique avec les médecins c'est avant tout syndical, elle ne reflète pas du tout les positions des médecins sur le terrain que nous interrogeons, assure Pascal Fontaine. La campagne était compliquée pour eux et ils ne sont pas mécontents de voir d'autres acteurs venir vacciner. La position des syndicats traduit surtout une peur de baisse de fréquentation médicale et une volonté de maintenir une activité."

Les craintes nouvelles suscitées par le vaccin AstraZeneca inquiètent davantage dans les officines.

"Depuis vendredi, nous avons un client sur deux qui vient poser des questions au comptoir de nos pharmacies, assure Pascal Fontaine. La prise de parole jeudi d'Olivier Veran était anxiogène, il faudrait une communication scientifique et rappeler que le taux d'incidence d'une thrombose est d'une personne sur 1000 alors qu'on est là à 30 cas douteux sur 5 millions."

Même si les doses sont rationnées, il ne s'agirait pas de faire fuir décourager les patients avec un vaccin qui n'a déjà pas très bonne presse.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco