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Le directeur général de BNP Paribas regrette le retard de l’Europe en matière de financement de la transition énergétique

Pour financer cette transition énergétique qui "coûte très cher", le monde des entreprises et l’Europe doivent prendre le sujet au sérieux, estime Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas depuis 2011.

Les banques s’occupent par nature d’orienter les financements stratégiques en fonction du contexte et doivent pour cela s’adonner à des prévisions. Dernièrement, la Banque mondiale et JPMorgan ont qualifié la période actuelle - avec les conflits en Ukraine et en Israël - de “dangereuse”, même si la perspective d’une crise financière n’est pour l’heure pas réellement admise.

Un contexte géopolitique et inflationniste tendu

C’est aujourd’hui au tour de BNP Paribas de s’adonner à cet exercice dans un entretien pour La Tribune. Son directeur général Jean-Laurent Bonnafé en a profité pour analyser la “montée supplémentaire des tensions planétaires, mais aussi l'absence de dialogue et la fragmentation du monde” depuis la résurgence des tensions en Israël. “Il est donc difficile de concevoir des scénarios fiables de prévisions économiques, précise-t-il. Mais des volumes très significatifs de matières premières transitent par le Proche-Orient et le Moyen-Orient. Des conséquences assez considérables sur l'économie mondiale pourraient se matérialiser, si la situation se dégradait davantage.”

Il faut dire qu’au-delà de cette instabilité géopolitique mondiale, le contexte inflationniste contribue aussi à fragiliser l’économie. Jean-Laurent Bonnafé fait un constat général: “l'Europe a bien davantage ralenti que les États-Unis, où l'activité se maintient à un niveau très élevé. L'Allemagne est particulièrement touchée. Il ne faudrait donc pas tarder à amorcer une baisse des taux d'intérêt, de façon à préserver le tissu économique européen”.

Ce dernier présage donc de nouvelles mesures prises par la Banque centrale européenne (BCE) en la matière, notamment pour pouvoir tenir ses engagements en termes de financement de la transition énergétique. “Toutes les technologies ne sont pas encore abouties, loin de là, comme l'illustrent les difficultés rencontrées dans le secteur des batteries, déroule-t-il. Changer de modèle coûte très cher. Nous sommes aujourd'hui à la frontière de deux mondes.”

Une Europe “au point mort”

Jean-Laurent Bonnafé en profite ensuite pour lister les efforts de BNP Paribas pour “substituer les énergies bas carbone aux énergies fossiles”. Le groupe bancaire serait “devenu le numéro un mondial des green bonds, les émissions obligataires vertes, alors qu'il n'est plus que 26e mondial pour les émissions obligataires du secteur pétrolier et gazier”. Ce dernier se donne pour objectif d’allouer 80% de son portefeuille de crédits à la production d'énergie au bas-carbone (un chiffre avoisinant les 60% en 2022). Cela passera d’ici 2026 par la réduction de 80% de ses financements à l'exploration-production pétrolière.

Mention est ensuite faite aux efforts pour financer l'achat de voitures électriques et hybrides, ainsi que la rénovation des logements. “Là encore, la transition coûte cher, développe-t-il. Une étude récente démontre que financer l'achat d'un véhicule électrique et la rénovation énergétique d'un logement représente quatre ans de capacité d'épargne pour un foyer moyen. Des accompagnements publics restent donc essentiels. Il s'agit d'un sujet collectif : la rénovation énergétique demeure hors de portée pour un certain nombre de ménages.”

Le monde des entreprises et l’Europe doivent donc prendre le sujet du financement de la transition énergétique à bras-le-corps. D’autant plus, qu’à la différence des Etats-Unis “dotés d’une politique fiscale unique et efficace”, “la réponse européenne reste à construire”. Disposant d’un cadre parfois “trop rigide”, l’Europe est surtout “au point mort” sur la question d’un marché européen des capitaux qui sont “un levier essentiel pour accompagner et financer la transition énergétique dans son ensemble, comme l'économie plus généralement.”

Pierre Berthoux