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La simulation, cette méthode de recrutement qui séduit McDo, Siemens, Cora

Chez le fabricant d'éoliennes Siemens Gamesa, la MRS (méthode de recrutement par simulation) permet notamment de féminiser les équipes.

Chez le fabricant d'éoliennes Siemens Gamesa, la MRS (méthode de recrutement par simulation) permet notamment de féminiser les équipes. - Siemens Gamesa

Les supermarchés, les industriels, les fast-food se mettent tous à la méthode de recrutement par simulation. Qu'a-t-elle de plus que les traditionnels CV et entretien de motivation?

Venue du Canada, elle essaime en France pour favoriser l'inclusion et la diversité dans le recrutement. C'est la MRS, la méthode de recrutement par simulation. Depuis quinze ans, Pôle emploi la promeut partout sur le territoire. Et ces derniers temps, l'agence signe des partenariats à tour de bras pour organiser des campagnes. Avec Burger King, Siemens Gamesa, Michelin, Cora et des dizaines d'autres grandes, moyennes et petites entreprises en France. Cette semaine, sur le site de l'agence, plus de 110 postes sont à pourvoir via cette méthode. Pourquoi la MRS séduit de plus en plus employeurs et candidats.

C'est quoi cette méthode de recrutement par simulation ?

Pas de curriculum Vitae, pas d'expérience requise, les candidats sont testés par le recruteur sur leurs "habiletés", telles que les appelle Pôle emploi. Ces qualités qu'on ne détaille pas dans son CV: précision, dextérité, esprit synthétique, bon relationnel, facilité de calcul mental, sens de l'observation, etc. Des compétences qui viennent de nous, pas forcément de notre expérience professionnelle, et qui peuvent servir quel que soit le secteur d'activité.

La MRS réduit le fossé entre des personnes qui ont ces compétences, et des entreprises qui cherchent d'abord des qualités", explique Philippe Hoelken, conseiller MRS au sein de l'agence.

Des entreprises comme Siemens Gamesa, qui va embaucher 750 personnes dans son usine d'éoliennes en mer, actuellement en construction au Havre, y ont ainsi recours. "On ne peut pas demander de qualification spécifique pour ces métiers puisque c'est une activité complètement nouvelle en France. C'est nous qui allons former les salariés", souligne Arnaud Gomel, DRH France du groupe.

Comment ça se passe concrètement?

Chez Siemens Gamesa, la première campagne de recrutement vient de commencer. Les candidats - essentiellement des demandeurs d'emploi- assistent à une réunion d'information sur les métiers de Siemens Gamesa. "Si ça leur plait, ils viennent faire la simulation, sur une demi-journée, avec trois-quatre tests différents, plus ou moins longs, plus ou moins rythmés", détaille le DRH.

On évalue par exemple leur précision, en leur faisant tracer une ligne droite à main levée. Ou leur capacité à travailler en équipe, essentielle quand on est 15 sur une chaine de production, avec forcément un impact de sa mission sur celle effectuée par le maillon suivant. Les heureux élus rencontrent ensuite une psychologue qui mesure leur motivation, puis leur futur manager pour un entretien classique.

Cette méthode permet au groupe industriel de "ratisser plus large, avec beaucoup plus de candidats potentiels". Dans ses usines marocaines d'éoliennes, Siemens Gamesa a embauché d'anciens pâtissiers et boulangers. Des postulants qui avaient "le souci du geste, de la précision et une vraie capacité de 'faire'".

Le groupe mise sur la MRS pour favoriser la diversité:

Peu importe d'où viennent les candidats et ce qu'ils ont fait avant. S'ils ont les compétences, on les embauche", s'enthousiasme Arnaud Gomel. Il veut aussi attirer les femmes. "Elles se tournent encore peu vers l'industrie, alors on leur dit 'venez faire nos tests, vous allez voir que ça vous correspond'. C'est un réservoir de compétences énorme et on en emploie en grand nombre au Danemark et en Angleterre".

Toutes les embauches peuvent-elles se faire par simulation?

"C'est plus compliqué pour recruter une infirmière, parce que la formation compte beaucoup. Ou un manageur, un chargé des ressources humaines", reconnaît Philippe Hoelken, conseiller MRS chez Pôle emploi. Ces postes où, pour l'employeur, l'expérience compte davantage que les qualités humaines, et où les besoins en main d'oeuvre ne sont pas énormes.

La MRS correspond en revanche parfaitement à des restaurants comme McDonald's, Burger King, Flunch. Des enseignes commerciales et supermarchés comme Cora, des groupes industriels comme Safran, Saint-Michel, ou encore Baccarat et La Poste.

Ces groupes pratiquent la méthode de recrutement par simulation à grande échelle, notamment pour gagner la guerre des talents. C'est le cas depuis 10 ans chez Michelin, le fabricant de pneumatiques qui recrute 1300 personne par an depuis 2017.

Avant d'utiliser la MRS, on recherchait des profils qui ont un passé industriel, se souvient Xavier Minvielle, responsable du recrutement. Mais on se privait d'une grande partie de candidats qui ont des capacités pour évoluer dans ce milieu".

Aujourd'hui, le groupe s'intéresse notamment aux jeunes qui jouent aux jeux vidéos et qui ont développé ce faisant une grande dextérité, le sens de l'observation et de la rapidité. Des fabricants de composants électroniques, eux, lorgnent les couturières, précises et méticuleuses.

Comment se préparer à un recrutement par simulation?

Il suffit de "donner le meilleur de soi-même et de montrer ce qu’on est vraiment. N'essayez pas de dire ce que l'entreprise veut entendre. Si on se présente tel qu’on est, on est sûr que le poste nous correspondra, et qu’on y sera performant", conseille Emilie Narcy, directrice au sein du cabinet de recrutement Approach People recrutement.

La première recommandation, chez Siemens Gamesa, est de "se demander si on a envie d'être drapeur, ponceur, rectifieur, peintre. C'est le meilleur moyen de travailler sa motivation", recommande le DRH Arnaud Gomel.

Il faut aussi être conscient que notre attitude sera constamment observée. "Comme on est un site industriel, on attend de nos recrues qu'elles soient sensibles à la sécurité, qu'elles veillent à respecter les consignes sur le port des lunettes, des gants". Alors "les gens qui viennent aux réunions d'information avec le masque sous le nez, on leur dira une seule fois de le remettre correctement".

Dernière préconisation, de Philippe Hoeckel pour Pôle emploi: "faites preuve de bon sens et écoutez bien les consignes. Dans le stress, on peut partir dans tous les sens, mais le recruteur n'est pas là pour vous mettre en difficulté".

Est-ce plus chronophage qu'un recrutement classique?

Préparer de tels entretiens, ça prend du temps, pointe Emilie Narcy, d'Approach People: "Il faut définir le profil qui correspond au poste, construire des tests pertinents, et ensuite, former les nouveaux arrivants à des techniques qu’ils ne maitrisent pas encore".

C'est justement là que Pôle emploi aide les recruteurs. L'agence leur propose un catalogue de 17 "habiletés", avec des tests dédiés. Chacun y fait son marché, comme Siemens Gamesa qui en a sélectionné moins d'une dizaine.

Les conseillers se rendent aussi sur les sites, découvrir les métiers et les niveaux d'exigences spécifiques attendus par l'entreprise. Par exemple, McDonald's et Flunch organisent les mêmes simulations. Les candidats doivent par exemple changer de tâche dès qu'ils entendent un nouveau son. Quand résonne une sonnerie, ils doivent appliquer des points de couleurs sur des ronds, des carrés, des rectangles. Ils entendent un bip? Ils doivent prendre une commande. Mais "pour être embauché chez Mcdo, il faudra être encore plus rapide et polyvalent qu'à la simulation de Flunch", décrit Philippe Hoelken de Pôle emploi.

Pour lui, la MRS peut être "chronophage au début, mais une fois que le modèle est en place, il tourne tout seul". Du coup, l'employeur finit par gagner du temps, comme chez Axon'cable, une entreprise de la Marne qui fabrique des composants électroniques.

"On bat tous les records de durée de recrutement et d'intégration via la MRS", explique Séverine Blondeau, sa responsable du recrutement. Et surtout, les employeurs s'épargnent les erreurs de casting.

Nina Godart
https://twitter.com/ninagodart Nina Godart Journaliste BFM Éco