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Incompréhensions suite à la menace de dégradation de l'Allemagne par Moody's

Les perspectives de l'agence Moody's ont contrarié Berlin.

Les perspectives de l'agence Moody's ont contrarié Berlin. - -

L'Allemagne ne comprend pas ce qui lui vaut un tel traitement par l'agence de notation Moody's. Les invités de BFM Business s'étonnent également de cette mise sous surveillance du pilier européen.

Après l’annonce par Moody’s de l’abaissement des perspectives des notes de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-bas, Berlin n’a pas tardé à réagir. L'agence de notation invoque "l'incertitude croissante" qui pèse sur la zone euro? L'Allemagne rétorque que ce n'est pas nouveau! Et les observateurs des marchés ne sont pas loin de penser la même chose... Réactions.

> Le ministère des Finances allemand a répondu via un communiqué que "les risques dans la zone euro mentionnés par l'agence de notation ne sont pas nouveaux". Berlin ajoute que la décision de l’agence de notation "met surtout en avant les risques à court terme, alors que les perspectives de stabilisation à long terme restent non mentionnées".

Le communiqué rappelle que "la zone euro a mis sur les rails une série de mesures qui doivent conduire à une stabilisation durable de la zone". Berlin ajoute que "l'Allemagne va continuer d'exercer son rôle d'ancre de stabilité dans la zone euro", et précise que "l'Allemagne va tout faire avec ses partenaires pour surmonter le plus rapidement possible la crise de la dette européenne".

Par ailleurs, le ministère affirme que l’Allemagne "se trouve dans une situation économique et financière solide"; avec un budget attendu à l'équilibre dès 2014 et précise que "la capitalisation du secteur bancaire s'est sensiblement améliorée" et que "les perspectives de croissance de l'économie allemande sont solides".

> Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe et Premier ministre du Luxembourg, n’a, lui non plus, pas voulu alimenter la polémique: "Nous prenons bonne note de la décision de Moody's qui confirme la notation élevée d'un nombre important d'Etats de la zone euro, soutenue par les fondamentaux sains qu'ont ces [trois] pays et d'autres au sein de la zone euro", souligne-t-il dans un bref communiqué.

> Jean-Pierre Petit, président des Cahiers Verts de l'Economie, a été surpris du moment choisi pour cette annonce. Il considère, d'un côté, que la décision de Moody’s "peut faire bouger la classe politique allemande". Mais il s’interroge, de l'autre, sur l’opportunité d’une telle décision sur le plan technique: "Comment expliquer que les agences de notation maintenaient des perspectives stables pour l’Allemagne? La mutualisation financière en Europe ne date pas de la semaine dernière. Elle a au moins plus de deux ans et a déjà été intégrée par les marchés", s’est-il étonné.

"Il est évident que l’environnement macroéconomique allait rester dépressif et peser sur les finances publiques allemandes", a-t-il insisté. "Il n’y aura plus de triple A sur les grands marchés obligataires. D’ailleurs, c’est ubuesque de voir que la France est encore triple A chez deux agences de notation!", a-t-il lancé, ce matin, au micro de BFM Business.

> Pour l’économiste Christian de Boissieu, "les agences de notation feraient bien de prendre des vacances!". "On sait depuis longtemps que le ratio de dette publique allemand n’est pas terrible, reconnaît l’économiste. Mais le pays reste le cœur, le noyau dur de la zone euro. C’est la référence pour les taux d’intérêts. Les spreads, les fameuses prises de risque, sont calculés par rapport aux taux allemands".

Christian de Boissieu rappelle que les investisseurs ont confiance dans la capacité de remboursement de l’Allemagne: "Le taux d’emprunt à 10 ans y est légèrement supérieur à 1%, en valeur nominale, donc très négatif en taux réel".

> Jean-Dominique Giuliani, le président de la fondation Schuman ne "comprends absolument pas cette décision qui n’aura pas d’effets".

Il se montre très critique à l’égard des agences de notation: "Elles sont incompétentes pour juger des finances des Etats. Elles le sont seulement pour juger des entreprises. Les Etats, ça les dépassent. Ce ne sont pas des analystes juniors qui font remonter l’information à des comités très politiques qui peuvent donner une exacte appréciation de la situation financière d’un pays." Jean-Dominique Giuliani a conclu avec une pointe d’ironie: "Vraisemblablement, l’Allemagne empruntera encore moins cher après l’annonce de Moody’s"

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