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TOUT COMPRENDRE - L'affaire des cabinets de conseil qui parasite la campagne d'Emmanuel Macron

Depuis la publication d'un rapport du Sénat sur le recours aux cabinets de conseil qui s'est accru pendant le quinquennat Macron, la polémique enfle. Les oppositions dénoncent un scandale d'Etat.

L’affaire des cabinets de conseil perturbe la campagne d’Emmanuel Macron. Deux semaines après l’annonce de sa candidature et en pleine guerre en Ukraine, le Sénat publiait le 16 mars un rapport de 385 pages, fruit de quatre mois de travail, baptisé "l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques".

Dans ce document, la commission d’enquête affirme qu’en 2021, les dépenses de l’Etat en cabinets de conseil ont dépassé le milliard d’euros. Un nom cristallise les débats: celui de McKinsey, accusé de n’avoir payé aucun impôt grâce à une optimisation fiscale.

Dans une interview accordée dimanche à France 3, le président de la République a démenti "toute combine". "Il y a des règles de marchés publics. La France est un pays de droit", a-t-il affirmé.

• Que dit le rapport?

Dans ce rapport, la commission d’enquête du Sénat dénonce un “phénomène tentaculaire”, au coût croissant pour les finances publiques. Pour des “missions complexes” ou des “tâches de gestion”, le gouvernement a fait appel à des cabinets de conseil depuis le début du quinquennat. Une pratique qui s’est accélérée pendant la crise sanitaire.

Recourir à des consultants est devenu "un réflexe", "même lorsque l'État dispose déjà de compétences en interne", notent Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, et Arnaud Bazin, membre du groupe Les Républicains. Selon les sénateurs, "une relation de dépendance" aux cabinets de conseil s’est même créée.

Toujours selon ce rapport, en 2021, "les dépenses de conseil de l’État au sens large ont dépassé le milliard d’euros, dont 893,9 millions pour les ministères". Le recours aux consultants n'est pas nouveau. Mais il a fortement augmenté pendant le quinquennat Macron puisqu’en 2018, les dépenses de conseil des ministères se limitaient à 379,1 millions d’euros.

D’après les éléments transmis par les ministères, le coût moyen d’une journée de travail d’un consultant s’élève à 1528 euros pour la période 2018-2020.

• A quoi a servi le milliard d’euros investi par le gouvernement?

D'après le rapport du Sénat, "au quotidien, des cabinets privés conseillent l'État sur sa stratégie, son organisation et ses infrastructures informatiques". Parmi les noms cités figurent Accenture, Bain, Boston Consulting Group (BCG), Capgemini, Eurogroup, EY, Wavestone, PwC, Roland Berger ou encore McKinsey.

Les missions confiées à ces cabinets de conseil sont variées. Accompagnement des préfectures pour la mise sous pli et la distribution des professions de foi pour les élections de 2022 (cabinet Sémaphores, 290.785 euros), gestion des radars (82 millions d'euros entre 2017 et 2026 pour Sopra Steria et EGIS), mise en oeuvre au niveau informatique de la réforme des APL (McKinsey, 3,88 millions d’euros)...

Pendant la crise, le recours aux conseils s’est accéléré avec "au moins 68 commandes passées, pour un montant total de 41,05 millions d’euros". Gestion de l’approvisionnement des masques, de la campagne de vaccination, pass sanitaires… Quatre cabinets concentrent les dépenses: McKinsey (12,3 millions d’euros), Citwell (6,8 millions d’euros), Accenture (5,3 millions d’euros) et Capgemini (4 millions d’euros).

• L'affaire dans l'affaire: McKinsey paye-t-il des impôts en France?

Le cabinet McKinsey, qualifié de "clé de voûte de la politique vaccinale" du gouvernement, est soupçonné de ne pas avoir payé d’impôts pendant 10 ans en France grâce à de l’optimisation fiscale, alors qu'il a perçu des millions d'euros du gouvernement pour ses différentes missions.

Les sénateurs ont saisi mi-mars la justice pour "suspicion de faux témoignage" contre un dirigeant de McKinsey qui a affirmé que son cabinet payait bien l'impôt sur les sociétés sur notre territoire. Une enquête est en cours sur le sujet.

Le cabinet McKinsey a réaffirmé samedi respecter les règles fiscales françaises, précisant qu'une de ses filiales avait payé l'impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l'accuse d'optimisation fiscale.

• Comment réagit le gouvernement?

Début janvier, alors que la commission du Sénat enquêtait sur le sujet, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin s’est engagée lors de son audition à réduire d’au moins 15% le volume de dépenses en conseil extérieur pour l’année 2022, sur les sujets de transformation et de stratégie (c’est-à-dire hors dépenses liées à l’informatique).

"On a l'impression qu'il y a des combines, c'est faux", a répondu ce dimanche Emmanuel Macron à France 3.

Il affirme "qu’aucun contrat n'est passé dans la République sans qu'il respecte la règle des marchés publics." Pour lui, lorsque des ministères sont "jour et nuit au travail", "qu'ils demandent des prestataires extérieurs pour les aider ne me choque pas".

La semaine dernière, le porte-parole du gouvernement a martelé qu’il n'y avait pas de scandale. "Cela fait des décennies que c’est utilisé, dans tous les pays", a affirmé Gabriel Attal sur RMC. "Le gouvernement a fixé l’objectif de baisser de 15% les dépenses en 2022. Je crois qu’on a dépensé 40 fois moins que certains de nos voisins, comme le Royaume-Uni, en cabinets de conseil."

A deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle, cette affaire parasite la campagne d'Emmanuel Macron. Les candidats de tous les bords de l'échiquier politique dénoncent un "scandale d'Etat".

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech