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Pour le futur patron de l'Autorité de la concurrence, le mariage TF1-M6 "ne va pas de soi"

Le Parlement a auditionné et validé mercredi la candidature de Benoît Cœuré à la présidence de l'Autorité de la concurrence. Le successeur d'Isabelle de Silva s'est exprimé pour la première fois sur le mariage entre les deux poids lourds de la télévision française. 

Pour sa première intervention en tant que futur président de l'Autorité de la concurrence, Benoît Cœuré n'a pas donné son blanc-seing à la fusion TF1-M6. Certes, selon l'ancien membre du directoire de la BCE, "l'ombre des Gafa" plane sur un secteur des médias en pleine transformation, mais il n'empêche, ce mariage n'est pas sans poser problème. "C'est une opération qui ne va pas de soi quand on regarde les parts de marché potentielles du nouvel ensemble, notamment sur le marché publicitaire", a-t-il déclaré devant les Parlementaires.

"L'Autorité de la concurrence a été capable dans le passé, comme dans la décision sur Fnac Darty (qui a pris en compte la concurrence d'Amazon, NDLR), de faire bouger les lignes et de changer sa définition des marchés. Est-ce que c'est possible dans ce cas-là, je ne sais pas", a ajouté l'économiste.

Le débat se concentre en effet sur un point: faut-il élargir la définition du marché de la publicité télévisée et englober aussi la publicité digitale? TF1 et M6 défendent cette thèse qui permet de réduire leur poids relatif et d'espérer obtenir le feu vert de l'Autorité de la concurrence. Les deux groupes réunis disposent en l'état d'une part de marché de plus de 70% sur la publicité à la télévision.

Pour tirer les choses au clair, l'Autorité de la concurrence a lancé à l'automne un "test de marché" qui n'est pas encore terminé. L'ensemble du secteur (publicitaires, producteurs, diffuseurs) est interrogé, plus de mille entreprises ont reçu des questionnaires. Et pas question pour Benoît Cœuré de prendre position pour l'instant: "je pense que le débat ne peut être tranché que par les faits, par une analyse chiffrée, empirique, approfondie", a-t-il insisté. "L'opération ne vas pas de soi, mais l'issue est ouverte selon les résultats" de cette enquête, a-t-il précisé à l'Assemblée nationale.

"C'est du 50-50"

Il se montre donc prudent, sans aller jusqu'à exprimer de "sérieuses réserves" comme l'avait fait sa prédécesseure Isabelle de Silva, qui n'a pas été renouvelée à la tête de l'Autorité de la concurrence.

Mais rien n'est gagné: Benoît Cœuré compte s'appuyer sur "des éléments objectifs", et pas "des scenarios sur l'évolution du marché". "L'Autorité ne doit pas seulement regarder l'impact sur les prix mais aussi sur la diversité des programmes, a-t-il ajouté. Une approche qui se veut "robuste", alors qu'un feu vert de l'Autorité a de grande chance d'être attaqué par des rivaux des deux groupes devant le Conseil d'Etat. De quoi donner des sueurs à froides à TF1 et M6, accusés par les deux principaux opposants à leur mariage, Xavier Niel et Vincent Bolloré, de brandir la concurrence des Gafa comme un épouvantail.

Quelles sont donc les chances de voir l'opération aboutir? TF1 et M6 sont contraints de modérer leur optimisme. A l'heure actuelle "c'est du 50-50" admet une source proche du dossier. D'autant que le temps est compté. Les deux groupes doivent impérativement obtenir les approbations de l'Autorité de la concurrence et de l'Arcom (ex-CSA) avant le mois de novembre pour espérer conclure. TF1 et M6 doivent en effet entamer ensuite la procédure de renouvellement de leurs fréquences qui arrivent à échéance début 2023. La loi interdit ensuite tout changement d'actionnaire pendant 5 ans.

Simon Tenenbaum