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Les patrons ne croient pas à la victoire de Marine Le Pen

Ils votent Macron sans hésiter mais craignent un virage trop à gauche. Ils s'inquiètent surtout d'une vague "Mélenchon" lors des élections législatives.

"Personne n’y croit". Le monde des affaires est unanime: Marine Le Pen ne sera pas élue dimanche prochain. Les grands patrons français vont voter en masse pour Emmanuel Macron, sans hésitation, et croient dur comme fer à sa réélection.

"Il y a une grande sérénité, confie le bras droit d’une grande fortune française. C’est 'business as usual'". Un calme étonnant. Les patrons adoptent-ils la "méthode Coué" ou est-ce révélateur de leur entre-soi qui les aveugle? "On a l’impression de vivre dans un monde parallèle" s’étonne le 'dir com' d’un groupe du CAC 40.

Beaucoup se murent volontairement dans le silence. "On sait bien que défendre Macron serait totalement contre-productif pour sa victoire", glisse un autre dirigeant passé par les cabinets ministériels. Dans les grandes familles de l’industrie, certains sont pourtant séduits par des idées sociales ou sociétales de Marine Le Pen. "Ils sont attentifs à ses propos sur la sécurité, reconnait un conseiller des milliardaires français depuis vingt ans. Mais elle a un programme économique d’extrême gauche qui les rebute !".

Les milieux économiques voteront pour le libéralisme d’Emmanuel Macron plutôt que pour l’"instabilité économique" de son adversaire. Tous sont convaincus que son programme européen mènerait à une sortie de l’Europe voire de l’euro. "On est tous implanté dans tous les pays de l’Union européenne donc l’élection de Marine Le Pen serait catastrophique" explique le dirigeant d’un grand groupe familial du CAC 40.

L’inconnue Bolloré

En réalité, la question du vote des patrons ne se pose que pour l’un d’entre eux: Vincent Bolloré. Le propriétaire de CNews qui a lancé le candidat Eric Zemmour, se tait. Même ses proches ne savent pas ce qu’il pense au fond.

"Personne n’imagine qu’il se rapproche de Marine Le Pen, veut croire un de ses conseillers. Mais il ne votera pas non plus pour Macron". L’inimitié entre les deux hommes est connue et dure depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron. Son entourage insiste sur le fait que ses enfants, Yannick et Cyrille Bolloré, qui sont aux manettes opérationnelles du groupe Bolloré et de Vivendi, sont "pro-Macron". Comme pour dissiper le doute.

Pour autant, si les patrons ne croient pas et ne souhaitent pas l’arrivée de Marine Le Pen à l’Elysée, cette perspective ne les effraie pas pour autant. "On ne va pas déménager… on est apolitique, on s’adaptera" assure le dirigeant d’un groupe qui a connu tous les présidents de la Ve République.

"Il n’y a pas de panique, on gère nos risques qui sont diversifiés. Si Marine Le Pen gagne, ça ne changera pas notre stratégie" explique le responsable de la gestion de fortune d’un milliardaire français. On est loin du grand départ de Bernard Arnault lors de l’élection de François Mitterrand en 1981.

Crainte d’une vague Mélenchon aux législatives

Les patrons se raccrochent aux "garde-fous institutionnels" et surtout, aux élections législatives qui rééquilibreraient la balance, en cas de victoire de Marine Le Pen. Leur inquiétude est d’ailleurs forte sur la coloration politique de la prochaine assemblée nationale… en cas de victoire d’Emmanuel Macron.

"Les patrons vont tous voter Macron mais sont très critiques sur son virage à gauche depuis le premier tour", résume un ancien cadre du Medef qui les connait tous. Sa proposition de "dividendes salariés" pour séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, est dure à avaler. Sans compter la notion de "planification écologique" lâchée lors de son discours à Marseille le week-end dernier. "On a l’impression que c’est le retour de l’Etat interventionniste !" s’étrangle un grand dirigeant français.

Les milieux économiques s’inquiètent davantage d’un vote massif pour le parti La France Insoumise (LFI) aux élections législatives. Une crainte plus forte que celle de voir Marine Le Pen accéder au pouvoir.

"Le problème est que les patrons n’ont pas le choix, c’est Macron ou rien car la gauche et la droite républicaine n’existent plus, conclut un de leurs grands spin-doctor. Economiquement, Mélenchon est aussi effarant que Le Pen !". Le milieu des affaires se prépare déjà à un lobbying, dès lundi prochain, pour pousser Emmanuel Macron à rester bien au centre.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business