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Le système français de redistribution des impôts est-il vraiment injuste?

Les ménages situés entre les 40% et les 60% les moins aisés sont déjà des contributeurs nets.

Les ménages situés entre les 40% et les 60% les moins aisés sont déjà des contributeurs nets. - Philippe Huguen - AFP

La majorité des Français perçoivent effectivement moins d'aides que les impôts qu'ils paient. Mais ces ponctions ne financent pas que des prestations comme les APL ou les allocations familiales, elles permettent aussi de payer les dépenses d'éducation ou de santé: des "transferts en nature" qui profitent à tous.

"Je gagne trop pour avoir des aides, mais pas assez pour vivre décemment", ce discours revient régulièrement dans la bouche de certains gilets jaunes. À travers ces propos, c'est le système de redistribution qui est pointé du doigt.

Pour réduire les inégalités, l'administration réalise des prélèvements sur les revenus des ménages: cotisations sociales, impôt sur le revenu... et reverse des prestations sociales, comme les allocations familiales, les aides au logement, la prime d'activité.... L'objectif est d'assurer plus d'équité au sein de la société.

Entre l'argent prélevé sur les revenus et les aides reversées (ce que l'Insee appelle "la redistribution monétaire"), les 40% des ménages français les moins aisés voient, après cette "redistribution", leur niveau de vie moyen augmenter, autrement dit l'administration leur reverse plus que ce qu'elle leur prélève.

Dès qu'on passe au niveau de vie supérieur, autrement dit les ménages dont les revenus se situent dans une fourchette intermédiaire (au dessus des 40% les moins aisés et en dessous des 40% les plus aisés), les prélèvements deviennent supérieurs aux aides versées. En effet, après redistribution, leur niveau de vie moyen diminue de 4,5%, passant de 1815 à 1734 euros par mois pour une personne seule, ou de 3815 à 3642 euros pour un couple avec deux jeunes enfants. En résumé, pour une majorité de Français, l'administration leur prélève plus d'argent que ce qu'elle leur reverse en aides financières.

À noter tout de même que l'administration redistribue plus aujourd'hui qu'il y a dix ans. En effet, le montant moyen des prélèvements a baissé et celui des prestations sociales a augmenté depuis 2008: le niveau de vie moyen de l'ensemble de la population est de moins en moins amputé après redistribution, sauf pour les plus riches pour qui la baisse est stable.

Les transferts en nature: "un outil puissant de redistribution"

Les chiffres doivent cependant être nuancés. Car les prélèvements réalisés sur les revenus des Français ne servent pas uniquement à payer les aides reversées, ils couvrent des champs d'intervention bien plus larges. Par exemple, les impôts servent à financer l'école, l'hôpital, les transports... et pas seulement les allocations familiales ou la prime d'activité touchées par certains ménages.

Le calcul ne prend pas en compte le financement de l'éducation, de la justice ou de la santé, car leurs retombées ne sont pas financières mais en nature, et profitent à tous. L'école est gratuite, les dépenses de santé prises en charge partiellement ou totalement par l'Assurance maladie.

Évaluer l'effet de ces transferts en nature sur le niveau de vie des ménages est complexe. La dernière étude de l'Insee sur le sujet remonte à 2009. L'Institut statistique s'était concentré sur deux postes: la santé et l'éducation, qui sont de loin les plus importants en termes de budget. Ainsi, la scolarité d'un élève de primaire coûte 5300 euros l'année à l'administration et 13.000 euros pour un élève de BTS ou de classe préparatoire. Ces sommes, les parents n'ont pas à s'en acquitter, quels que soient leurs revenus.

En moyenne, le transfert en nature lié à l'éducation représente 4935 euros par an pour un couple avec deux jeunes enfants dont les revenus sont situés au niveau intermédiaire (au-dessus des 40% les moins aisés et en dessous des 40% les plus aisés). Pour eux, cela représente un gain de revenu net (autrement dit après prélèvement des cotisations sociales) de 12,5%.

L'impact de ces transferts en nature sur la réduction des inégalités est très important. Le rapport entre le niveau de vie moyen des 20% les plus riches et des 20% les moins aisés est réduit de moitié avec les aides mais quand on prend en compte les transferts en nature, il est quasiment divisé par trois, selon l'Insee. "Participant pour plus de 52% à la réduction des inégalités, les transferts en nature sont très redistributifs même s’ils sont finalement bien moins ciblés" que les aides sociales, qui sont versées sous conditions de ressource ou de situation familiale, écrit l'Institut.

Jean-Christophe Catalon