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LA VERIF - ISF Climatique: les plus riches émettent-ils plus de CO2 que les autres?

C'est l'une des propositions d'Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle: établir un impôt sur la fortune climatique afin de taxer les ménages les plus aisés car, dit-elle, ils ont le bilan carbone le plus élevé.

"Nous conduirons une écologie du partage, un ISF (Impôt sur la grande fortune, NDLR) climatique pèsera sur les ménages les plus aisés dont d'ailleurs le patrimoine émet le plus de carbone", a proposé Anne Hidalgo lors de son meeting de campagne à Lille, le 23 octobre dernier.

Mais les ménages les plus riches émettent-ils donc plus de CO2 que les autres comme l'affirme la candidate socialiste à la présidence de la République?

Vrai

Les dernières études disponibles, dont la plus récente publiée la semaine dernière par le Laboratoire sur les Inégalités Mondiales, à l’Ecole d'Economie de Paris, semblent accréditer cette hypothèse.

Les 10% les plus riches émettent 5 fois plus de CO2 que les 50% les plus modestes

Concrètement, les Français émettent en moyenne près de 9 tonnes de CO2 par an et par personne. Mais il y a une énorme différence entre les plus modestes et les plus riches.

En effet, les 50% de Français les plus modestes émettent 5 tonnes de CO2 par an tandis que les 10% les plus riches en émettent 5 fois plus, soit 25 tonnes par an. Une autre étude, de l’OFCE cette fois publiée en janvier 2020, montrait que les ménages français les plus riches polluaient quasiment 3 fois plus que les plus modestes.

Comment expliquer cette différence? Selon Lucas Chancel, économiste et co-directeur du Laboratoire sur les Inégalités Mondiales, "quand on pense aux émissions carbone, il faut penser au carbone qui est émis quand vous prenez votre voiture, il faut également penser aux émissions qui peuvent être induites par votre chaudière. Et il faut ajouter une troisième dimension, ce sont les émissions de carbone qui sont contenues dans les portefeuilles d'actions dans le patrimoine des individus".

Notamment "si vous détenez une partie des actions d'un groupe pétrolier qui contribue au réchauffement climatique, (or) les plus aisés ont plus de patrimoine que les plus modestes", poursuit-il.

Objectif: alimenter un fonds pour aider les ménages modestes à s'équiper

Donc les plus riches polluent plus que les autres à cause de leur train de vie: ils prennent plus souvent l’avion par exemple, ils consomment plus de biens et de services. Mais aussi à cause de leur patrimoine, de leurs investissements.

Ce constat s'applique aussi bien à la France qu'à l'échelle mondiale. Les chiffres sont d'ailleurs impressionnants selon le Laboratoire sur les Inégalités Mondiales. Ainsi, les 10% d’individus les plus riches du monde émettent la moitié des émissions de CO2 de la planète...

L'idée d'ISF vert voulu par Anne Hidalgo nourrit l'objectif de récupérer de l’argent sur les grandes fortunes. Cet argent alimenterait un fonds destiné à aider les ménages les plus modestes pour acheter une voiture électrique par exemple. Pour autant, la candidate n’a pas encore précisé le seuil à partir duquel elle veut taxer les plus riches. Et il reste à savoir si l'idée serait vraiment efficace pour accélérer la transition énergétique.

Pour Lucas Chancel, c'est à son sens "une bonne proposition pour aller de l'avant". "Maintenant, pour que ça soit vraiment climatique, on peut compléter ce type de mesure avec un impôt supplémentaire en fonction de votre portefeuille d'actions. Si vous détenez plus d'actions dans des entreprises qui sont polluantes, alors vous allez payer un peu plus."

Modifier le comportement des investisseurs

C'est d'ailleurs ce que propose Yannick Jadot, le candidat écologiste: taxer les patrimoines financiers qui investissent dans les énergies fossiles.

Même tonalité de la part de Clément Sénéchal, chargé de campagne climat chez Greenpeace France: "Si on pénalise les investissements dans les secteurs qui sont les plus polluants, on peut penser que les investisseurs vont changer de comportement et vont diriger leurs portefeuilles financiers plutôt vers des investissements vertueux et décarbonés. L'ISF climatique a donc une vertu incitative".

Il pourrait rapporter selon les calculs de Greenpeace pas moins de 10 milliards d'euros.

Céline Pitelet avec Olivier Chicheportiche