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Défiscalisation des pensions alimentaires: en quoi consiste cette mesure qui pourrait être adoptée?

La défiscalisation de la pension alimentaire pour le parent bénéficiaire a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale. Qu'est-ce que changerait une telle disposition pour les parents séparés?

Cela pourrait être une petite révolution pour les deux millions de familles monoparentales comptabilisées en France, par l'Insee, en 2020. L'Assemblée a adopté, jeudi 6 octobre, une loi instaurant la défiscalisation des pensions alimentaires pour le parent ayant la charge de l'enfant après une séparation. C'est pendant une niche parlementaire de son groupe que la députée MoDem de Seine-et-Marne, Aude Luquet, a défendu cette proposition de loi.

"Lorsqu’un couple avec des enfants divorce ou se sépare, la pension alimentaire versée par le parent qui n’a pas la garde du ou des enfants est déductible de son revenu imposable. En contrepartie, l’autre parent déclare ces sommes, tout en bénéficiant des parts fiscales des enfants qu’il a à sa charge", rappelle la proposition de loi.

En d'autres termes, le parent bénéficiaire intègre la pension alimentaire à son revenu fiscal de référence (RFR). Tandis que le parent qui la verse la soustrait de son RFR.

Des inégalités majeures

Une situation que la député MoDem souhaite changer en défiscalisant cette pension, c'est-à-dire en faisant en sorte qu'elle ne soit plus prise en compte dans le calcul du RFR des parents bénéficiaires. Une défiscalisation que le texte propose toutefois de plafonner, "dans la limite de 4 000 euros par enfant plafonnée à 12 000 euros par an", précise ainsi la proposition de loi. 

Pour justifier cette mesure, l'élue souligne les inégalités existantes entre hommes et femmes. Dans 70% des cas, "la garde des enfants revient à la mère, contre pas tout à fait 20% au père", rappelle le texte. D'après le rapport du Haut Conseil de la Famille d’avril 2014, la pension était versée dans 97 % des cas par le père, apprend-on aussi.

Or, d'après l'Insee, la rémunération des femmes est inférieure de 28,5% à celle des hommes. Un écart qui pourrait avoir été creusé un peu plus par la crise sanitaire. Sans compter que la séparation en elle-même est aussi un facteur aggravant de ces inégalités.

"Le revenu médian des femmes après une séparation se détériore de 31% contre seulement 6% pour les hommes", souligne la proposition de loi en citant des chiffres de l'Insee.

La pension, une compensation plus qu'un revenu?

Par conséquent, la pension alimentaire représente moins un revenu de remplacement qu'une compensation pour le partage des charges liées à l'éducation d'un enfant dans une situation fréquente d'inégalité de ressources. Or "il est rare que la pension alimentaire couvre le coût réel de la charge des enfants vivant dans le foyer", peut-on aussi lire dans l'exposé des motifs.

Par ailleurs, le RFR constitue un indicateur clé pour le calcul de certaines aides. "Le parent bénéficiaire peut, si l’on continue à rendre imposable la pension perçue, perdre le bénéfice d’allocations comme les APL (aide personnalisée au logement, ndlr) ou voir une baisse des allocations familiales. Or, ce sont souvent ces foyers qui sont le plus en difficulté", précise la proposition de loi.

Une mesure remise en cause par la majorité

En contrepartie, et dans un souci de limiter l'impact de la mesure sur les recettes fiscales, le groupe des Démocrates avait initialement proposé "de ne pas autoriser la déduction du versement des sommes correspondant à la pension alimentaire", par le parent qui la verse. Mais l'article du texte de loi a été supprimé en commission des Finances, avant l'examen du texte à l'Assemblée.

L'article 3 du texte, conservé en commission, prévoit que le manque à gagner fiscal pour l'Etat soit "(compensé) à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs".

Toutefois, l'adoption définitive de cette proposition de loi reste plus qu'incertaine. Devant l'hémicycle, la ministre déléguée aux petites et moyennes entreprises Olivia Grégoire a indiqué craindre "une sérieuse brèche dans le calcul du RFR" tant il est l'indicateur référent dans de nombreux dispositifs. Après avoir salué l'objectif d'une telle mesure, la ministre a dénoncé un "outil qui ne marchera pas".

Nina Le Clerre