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Carburant: risque-t-on par ricochet des ruptures de produits alimentaires dans nos magasins?

Des clients dans un supermarché de Lille, en novembre 2016.

Des clients dans un supermarché de Lille, en novembre 2016. - DENIS CHARLET / AFP

Le manque de carburant pourrait entraîner à terme une pénurie de certains produits alimentaires dans les magasins. En cause, les difficultés rencontrées par les transporteurs routiers pour s'approvisionner en carburant et assurer leurs livraisons.

Certains produits vont-ils bientôt disparaître des rayons de supermarché? Avec l'enlisement du conflit qui oppose les salariés des raffineries TotalEnergies et Esso-exxonmobil à leurs directions, c'est maintenant le spectre d'une pénurie alimentaire qui se dessine doucement.

Car en plus d'affecter les particuliers, la raréfaction du carburant pèse sur les professionnels qui doivent rouler dans le cadre de leur activité. À commencer par les transporteurs routiers, et en particulier les professionnels qui transportent des marchandises sous température dirigée.

Mardi déjà, les transporteurs frigorifiques qui approvisionnent, notamment, les magasins du territoire en viandes, produits de la pêche, fruits et légumes, plats cuisinés et en produits frais ou surgelés, tiraient le signal d'alarme.

Les transporteurs frigorifiques, doublement affectés

La branche des transporteurs frigorifiques est particulièrement affectée. Les camions utilisés pour transporter des steaks, du jambon ou des yaourts nécessitent en effet à la fois du gazole classique pour rouler mais aussi du gazole non routier pour faire fonctionner leurs groupes frigorifiques. C'est ce qui leur permet de maintenir les denrées alimentaires au froid.

L'association "La chaîne logistique du froid" qui représente 50.000 salariés et près de 100.000 camions frigorifiques, alertait ainsi "sur les risques de rupture de l'approvisionnement en produits frais et surgelés chez les clients des entreprises de transport: industriels, grande distribution, restauration hors domicile".

"Les blocages des raffineries de pétrole en cours sur le territoire national confrontent les entreprises qui transportent des denrées périssables (...) à des difficultés grandissantes", ajoutait l'association dans un communiqué.

Une situation qui ne s'est pas améliorée ce vendredi puisque 29,1% des stations-services manquent encore d'un ou plusieurs carburants sur le territoire, d'après les derniers chiffres du ministère de la Transition énergétique.

Selon Valérie Lasserre, déléguée nationale de La Chaîne du froid, 97% des 120 entreprises adhérentes affirmaient ainsi rencontrer des difficultés pour trouver du carburant, jeudi.

"Certains ne peuvent déjà plus assurer certains flux", avertit la dirigeante, soulignant les craintes des professionnels sur le passage du week-end.

Les grossistes alertent aussi

De leur côté, les grossistes s'inquiètent aussi des lourdes conséquences de la crise de carburant. Les livraisons des clients des grossistes vont être "sévèrement et généralement compromises à partir de vendredi" si la pénurie de carburant perdure, a ainsi prévenu jeudi soir la Confédération des grossistes de France (CGF).

"A Rungis, des entreprises de commerce de gros approvisionnent toute l’Ile-de-France", a rappelé le directeur en charge du transport et de la logistique à la CGF, Christian Rose, sur BFMTV.

"Les entreprises qui exploitent des cuves de gazole en propre ont aujourd'hui entre 3 et 15 jours de stock, a-t-il précisé, avant d'ajouter: "mais elles sont confrontées à des délais d’approvisionnement excessivement longs avoisinant 8 à 10 jours".

Mais la situation est plus grave encore "pour les entreprises qui s’approvisionnement, comme le consommateur, à la pompe", souligne Christian Rose. Pour celles-ci qui représentent 85% des membres de la CGF, les difficultés devraient s'aggraver dès la semaine prochaine.

"Au début de la semaine prochaine, on risque d’être confronté à des pénuries et des problèmes d’immobilisation de véhicule", a-t-il ainsi averti.

Face aux difficultés que pourraient rencontrer certains Français pour se déplacer pendant les vacances de la Toussaint Christian Rose a réagi:

"Partir en vacances c’est une chose, mais est ce qu’en vacances on pourra encore se nourrir"?

Une crainte pour les livraisons du week-end

Mais les difficultés pourraient se faire sentir dès ce week-end. Les grandes surfaces sont en effet livrées massivement le samedi, jour de pic de fréquentation dans les magasins alimentaires. Le second temps crucial du week-end est le dimanche soir qui marque le remplissage des rayons pour la semaine suivante.

"Même si la situation venait à s'améliorer aujourd'hui, les transporteurs ne sont pas sûrs de pouvoir assurer le réapprovisionnement de dimanche soir", souligne Valérie Lasserre.

Jeudi, le président de Système U Dominique Schelcher assurait quant à lui, sur l'antenne de Franceinfo, qu'il n'y avait "aucun signe à date" d'une quelconque pénurie dans ses magasins et qu'il n'y avait "pas d'inquiétude à avoir". Pour faire face à cette baisse de carburant, le groupe met à disposition ses propres stations-service à ses transporteurs. Le dirigeant a aussi indiqué que Système U importait "du carburant étranger pour compenser les quantités qui ne sont pas disponibles".

Nina Le Clerre