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Finances publiques

Qui détient la dette française?

Un peu plus de la moitié de la dette publique de la France est détenue par des investisseurs étrangers, sans que l'on sache précisément de qui il s'agit.

Du jamais vu. En marge de la présentation du projet de loi de finances 2024, l'Agence France Trésor, chargée de placer la dette tricolore sur les marchés, a annoncé que l'Etat comptait emprunter un montant record de 285 milliards d'euros l'an prochain. Soit une nette progression par rapport au programme d'emprunts déjà inédit de 270 milliards d'euros en 2023.

L'information n'a pas manqué de faire réagir les défenseurs de la rigueur budgétaire, à l'heure où la hausse des taux d'intérêt propulse la charge de la dette à des niveaux préoccupants: 52 milliards d'euros attendus en 2024 et plus de 70 milliards en 2027. Ce qui en fera le premier poste de dépenses de l'Etat.

Un peu plus de la moitié de la dette publique détenue par des investisseurs étrangers

Répartie entre l'Etat (80% du total), les "organismes divers d'administration centrale" (2,4%), les "administrations publiques locales" (8,1%) et les "administrations de Sécurité sociale" (9,5%), la dette publique française a franchi pour la première fois début 2023 le cap symbolique des 3000 milliards d'euros, représentant ainsi 112,5% du PIB.

Si dans certains pays comme le Japon, la dette publique est principalement détenue par des investisseurs résidents, ce n'est pas le cas de la France. D'après les données de la Banque de France, plus de la moitié (51,4%) des titres de dette négociable émis par l'Etat sont dans les mains de prêteurs étrangers, européens pour plus des deux tiers d'entre eux. Une proportion en nette baisse par rapport aux niveaux atteints au début des années 2010 (jusqu'à 70%), mais largement supérieure à ceux du début des années 2000 (28,7%).

Impossible en revanche d'en savoir davantage sur le statut (fonds de pensions, fonds souverains, banques) ou l'origine géographique des investisseurs étrangers dont l'anonymat est protégé par le code du Commerce.

Quant aux titres de dette de l'Etat détenus par les investisseurs résidents, ils se répartissent entre les compagnies d'assurances (12,2%), les banques (7,1%), les organismes de placements collectif en valeurs mobilières (1,6%) et la catégorie "autres investisseurs français" (27,8%) au sein de laquelle figure la Banque de France qui détient à elle seule environ un quart de la dette française.

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Une part de détenteurs non résidents inquiétante?

La structure de détention de la dette publique peut interroger. Certains considéreront qu'au nom de la souveraineté, il est préférable que la dette soit surtout détenue par des investisseurs résidents. Les créanciers étrangers sont en effet moins "captifs": ce sont les premiers à vendre leurs titres en temps de crise, quand les résidents sont davantage disposés conserver leurs obligations jusqu'à leur terme. En outre, si l'Etat dispose d'un pouvoir de coercition sur les investisseurs résidents à travers sa politique fiscale notamment, ce n'est pas le cas sur les prêteurs étrangers.

Mais emprunter auprès de créanciers non résidents n'a pas que des inconvénients. Cette diversification géographique de la détention de la dette démontre l'attractivité des obligations émises par l'Etat français. Pouvoir se tourner vers un grand nombre d'investisseurs étrangers permet ainsi de bénficier d'un coût de financement souvent plus avantageux.

Un modèle basé sur des titres détenus quasi-exclusivement par des investisseurs nationaux présente aussi ses limites. D'abord parce que le financement des administrations publiques par des créanciers résidents peut se faire au détriment du financement du secteur privé. Ensuite parce qu'il est dépendant de l'évolution démographique et des comportements de la population. En effet, le vieillissement de la population dans les économies développées pourrait perturber à moyen terme la capacité de l'Etat à lever de la dette auprès des résidents, sachant que les ménages ont tendance à désépargner lorsqu'ils vieillissent, ce qui limite les montants disponibles pour investir dans des obligations.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco