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Economie et Social

Financement de la dépendance: vers la suppression d'un jour férié?

Alors que le gouvernement envisage d'allonger la durée du temps de travail pour financer la dépendance, plusieurs voix issues de la majorité avancent l'idée de supprimer un jour férié pour créer une deuxième journée de solidarité. Une mesure qui permettrait de rapporter à l'État plus de deux milliards d'euros par an.

"C’est un premier pas nécessaire." Interrogée dans le JDD, la députée LaREM Aurore Bergé s'est dit favorable à la suppression d’un jour férié pour créer une nouvelle journée de solidarité afin de financer la dépendance.

"Je suis persuadée que les Français sont d'accord pour travailler plus si on explique que 100% des recettes de la journée de solidarité sont consacrées à la baisse de leurs impôts ou au financement des Ehpad", a-t-elle assuré.

En ce lundi de Pâques et alors qu’Emmanuel Macron doit annoncer jeudi ses mesures pour répondre aux revendications portées lors du grand débat national, le sujet est particulièrement sensible. D’autant que, selon les premières informations qui ont fuité dans la presse, le gouvernement envisage effectivement d’allonger la durée du travail, sans préciser pour l’heure la voie qu’il entend emprunter pour y parvenir.

Vers une nouvelle journée de solidarité?

Mais la suppression d’un jour férié figure bien parmi les pistes possibles. Le gouvernement pourrait notamment décider de créer une deuxième journée de solidarité, à l’image du lundi de Pentecôte. Depuis 2004, l’instauration de cette journée de solidarité a permis de rapporter plus de 2 milliards d’euros par an à l’État (2,4 milliards en 2018) en faisant venir gratuitement les Français au travail un jour férié. Un gain pour les entreprises qui doivent donc, en contrepartie, verser 0,3% de leur masse salariale à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

En 2008, une loi a donné "entière liberté" aux partenaires sociaux au sein de l’entreprise, ou à défaut, au niveau de la branche pour fixer les modalités d’application "les plus adaptées aux besoins de l’entreprise" (travailler un autre jour férié à l’exception du 1er mai, suppression d’une journée de RTT, etc.).

Problème, la création d’une nouvelle journée de solidarité est loin d’être suffisante pour répondre aux enjeux futurs du financement et du maintien dans l’autonomie des personnes âgées et handicapées. De fait, si elle rapporterait entre 2 et 3 milliards d’euros par an à l’État, le rapport Libault sur la dépendance estime les besoins à 9 milliards d’euros par an en 2030.

Une mesure très impopulaire

Autre difficulté, cette mesure est largement impopulaire au sein de l’opinion. Selon un sondage Ifop pour le JDD paru ce dimanche, seuls 46% des Français sont pour "travailler plus". Pire encore, ils ne sont que 14% à préconiser la suppression d’un ou plusieurs jours fériés pour financer la dépendance.

Mais la majorité assure qu’"il n’y a pas de tabou". "Ce qui est certain, c’est qu’il faut trouver de nouveaux financements. À partir du moment où vous changez les choses, forcément vous vous heurtez à l’impopularité. Mais si c’est à long terme et que ça permet d’améliorer la vie de nos personnes âgées, le jeu en vaut largement la chandelle", explique sur notre antenne Jean-Baptises Moreau, député LaREM de la Creuse.

Pour Benjamin Morel, docteur en Sciences politique à l’ENS Paris-Saclay, supprimer un jour férié est politiquement "extrêmement sensible". "Parce que quand vous parlez jours fériés, vous parlez tout de même de jours qui sont hautement symboliques, pour des raison religieuses, nationales, etc. (…) Dans tous les cas, ce n’est pas le bon timing. Parce que ce qui est ressorti du grand débat, c’est plus de solidarité, plus de justice et un rapport au travail un peu différent. Avec une telle annonce, on crée de la confusion dans l’électorat", ajoute-t-il.

Autres leviers

La France compte actuellement onze jours fériés et se trouve donc dans la moyenne basse européenne. Chypre, la Slovaquie et la Bulgarie figurent en tête du classement avec quinze jours fériés. À l’inverse du Portugal et du Royaume-Uni qui en ont huit. En revanche, si les Français sont parmi les salariés les plus productifs du monde, ils ne travaillent que 630 heures par an par habitant, soit quatre mois et demi, selon l’OCDE. C’est le plus faible temps de travail des pays de l’organisation.

Outre la suppression d’un jour férié, d’autres solutions existent pour allonger la durée du temps de travail afin de financer la dépendance. La première consisterait à revenir sur les 35 heures. La seconde impliquerait de reculer l’âge légal de départ à la retraite actuellement fixé à 62 ans. Ou alors, d’inciter les travailleurs à travailler plus longtemps et donc d’allonger la durée de cotisation sans pour autant toucher au totem de l’âge légal.

Dans un document de travail du Haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye, il est notamment précisé que les futurs retraités liquidant leurs droits après 62 ans pourraient bénéficier d'un bonus à travers un "coefficient majorant" leur pension de 3% à 5% par année de travail supplémentaire.

Paul Louis