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Comment Laurent Berger s'est imposé comme le pivot du mouvement anti-retraite

Le numéro 1 de l'organisation syndicale réformiste est sur tous les fronts depuis que le combat contre la réforme des retraites a commencé. Zoom sur ce vieux loup du syndicalisme.

Laurent Berger est partout. Quand il ne bat pas le pavé contre la réforme des retraites, il enchaîne les apparitions médiatiques et les tweets, certainement entre deux rendez-vous pour organiser la suite du mouvement. Homme fort du moment s’il ne fallait en citer qu’un seul, il est à la tête du premier syndicat de France, la CFDT, depuis plus de dix ans.

Dimanche dernier dans l’émission Le Grand Jury, il a assumé vouloir durcir le mouvement et mettre la France à l’arrêt le 7 mars, cette journée de mobilisation post-vacances scolaires qui devrait être très suivie. Le leader syndical, à l’image de son organisation, est réputé plus modéré que certains de ses confrères, et fait attention à ne pas fâcher l’opinion publique dont il fait grand cas. Il a d’ailleurs rappelé, lors de l’émission organisée conjointement par LCI, RTL et Le Figaro, que “l’opinion, c’est important” et qu’il “n’y a pas eu de bordélisation, il n’y a pas eu de blocage.”

Être au front et visible durant ce moment majeur de la lutte syndicale, faire pression sur le gouvernement sans froisser les Français: une stratégie qui semble lui réussir, Laurent Berger est sous tous les projecteurs depuis le début de l'année, et aussi, semble-t-il, dans les petits papiers d'une certaine opposition.

Un homme aimé des politiques ?

“C’est quelqu’un avec qui on peut discuter, qui est très franc, très direct […] Tous les contacts que j’ai eus avec lui ont toujours été extrêmement positifs,” insistait Jean-Luc Mélenchon, le chef de file des Insoumis, la semaine dernière au micro de BFMTV.

Si l’opposition de gauche ne tarit pas d'éloge, le gouvernement, lui, ne fait plus gère d'effort pour essayer de se le mettre dans la poche. Elisabeth Borne, qui manquerait d’empathie d’après le syndicaliste, s’est tout de même décidé à l’appeler récemment, lui et certains de ses confrères, après plusieurs semaines sans communication malgré des mobilisations dans la rue qui ont plusieurs fois rassemblé plus d’un million de personnes, selon les décomptes de la police.

C’est qu’il n’y a peut-être rien à négocier. Le gouvernement est inflexible sur le recul de l’âge de départ tandis que la CFDT, elle aussi, clame tout aussi fermement son opposition à l'article 7 du texte.

Des positions à priori irréconciliables. Et une fois que la réforme aura passé le cap parlementaire -si rien ne vient l'empêcher- beaucoup prévoient que la CFDT respectera le vote démocratique et mettra fin à son mouvement social. Le gouvernement compte-t-il là-dessus pour éviter de chercher un compromis?

Prisé ou dédaigné des politiques, Laurent Berger a en tout cas beaucoup de métier derrière lui.

Un homme rôdé

Fils d’ouvrier, élu à la tête de la centrale en 2012, il est réélu en 2014, 2018 et 2022, Laurent Berger peut se targuer d'avoir coché toutes les cases, lui qui préside également, depuis mai 2019, la Confédération européenne des syndicats. Permanent de la CFDT depuis 1996, sa montée dans l'organigramme aura été progressive. Une vie au service d'une cause. Et des convictions ancrées de longue date. Entre 1992 et 1994, Laurent Berger a été secrétaire générale de la Jeunesse ouvrière chrétienne.

La CFDT, dont il a pris les rênes à 44 ans, est souvent de qualifiée de syndicat réformiste, en opposition aux organisations comme la CGT que l’on dit contestataire. Davantage encline au dialogue social donc, et moins radicale dans l'expression de ses revendications, l'organisation a d’ailleurs soutenu, en 2014, la réforme Touraine sur les retraites qui prévoyait une hausse progressive de la durée de cotisation.

En menant, tambour battant, cette bataille contre une réforme des retraites qu'il juge avant tout injuste, Laurent Berger permet aussi à la CFDT de séduire de nouveaux adhérents. Fin 2021, le premier syndicat des salariés du privé, comptait quelque 610.000 adhérents. Et depuis quelques semaines, les adhésions se multiplient. Près de 3000 par semaine, de l'aveu même du chef. De quoi gonfler les finances du seul syndicat à pouvoir assurer une réelle prise en charge financière de ses adhérents se privant de journées de salaires pour mener le combat, grâce à une "caisse de grève" sans équivalent... en France.

Par Olivia Bugault