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Chômage: Marine Le Pen relativise-t-elle à juste titre la "victoire" d'Emmanuel Macron?

Lors du débat, la candidate du Rassemblement national a moqué le bilan du président sortant évoquant une baisse limitée à 100.000 demandeurs d'emplois.

Relativement absente durant la campagne présidentielle, la question de l’emploi a fait l’objet d’une passe d’armes à l’occasion du débat de l’entre-deux-tours. Alors qu’Emmanuel Macron se félicitait que le mot chômage ne figure pas dans le programme de la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen lui a rétorqué qu’il devrait "avoir la victoire modeste":

Des gens qui cherchent activement un emploi, il y en avait 5,5 millions quand vous avez été élu, il y en a aujourd’hui 5,4 millions"

Tout juste 100.000 demandeurs d’emplois en moins? Ces chiffres sont-ils exacts? Pour répondre à cette question, il faut déjà distinguer les différentes catégories. Parmi les personnes inscrites à Pôle emploi qui sont recherche active d’emploi, il existe trois catégories.

La catégorie A, la plus souvent citée, où figurent les personnes inscrites qui ont indiqué lors de leur actualisation mensuelle qu’elles n’avaient pas du tout travaillé dans le mois. Puis la catégorie B dans laquelle figurent tous ceux qui ont travaillé entre 1 et 78 heures. Et, enfin, la catégorie C pour les personnes qui cherchent toujours activement un emploi mais qui ont travaillé plus de 78 heures, c’est-à-dire plus que l’équivalent d’un mi-temps sur le mois.

413.000 inscrits de moins en catégorie A

Si l’on regarde donc uniquement l’évolution dans la catégorie A, on constate que le nombre des demandeurs d’emplois a diminué de plus de 11% entre le 1er trimestre 2017, avant qu’Emmanuel Macron ne gagne la présidentielle, et la fin de l’année dernière (les chiffres du premier trimestre 2022 seront dévoilés dans un peu plus d’une semaine). Cela représente 413.000 inscrits de moins.

Evolution du nombre des demandeurs d'emplois inscrits en catégorie A depuis 2017
Evolution du nombre des demandeurs d'emplois inscrits en catégorie A depuis 2017 © BFMTV

Mais si l'on additionne les catégories A,B et C comme le fait Marine Le Pen, la baisse est, de fait, plus modeste. Cela dit, la candidate du Rassemblement national reprend les données pour la France métropolitaine. Si l’on ajoute, pour être complet, les départements et régions d’outremer, le nombre d’inscrits dans les trois catégories à la fin 2021 (5,813 millions) est un peu plus élevé que les 5,4 millions mentionnés par Marine Le Pen, mais la baisse observée sur la période est supérieure: 154.000 au total.

Evolution du nombre des demandeurs d'emplois inscrits à Pôle Emploi dans les catégories A, B et C
Evolution du nombre des demandeurs d'emplois inscrits à Pôle Emploi dans les catégories A, B et C © BFMTV

Un taux de chômage passé de 9,6% à 7,4%

De leur côté, les partisans d’Emmanuel Macron mettent surtout en avant l’évolution du taux de chômage calculé par l’Insee, bien plus flatteuse. Sur la même période, il est passé de 9,6% à 7,4%.

Evolution du taux de chômage depuis 2017
Evolution du taux de chômage depuis 2017 © Insee

Comment expliquer une telle différence avec les données de Pôle emploi. Deux raisons à cela. D’abord le taux de chômage ne dépend pas que du nombre de demandeurs d’emplois. Il varie aussi selon l’importance de la population active. C’est le ratio entre ces deux données.

Or la particularité de la France, c’est que sa population active augmente, notamment parce qu’il y a plus de jeunes qui arrivent sur le marché du travail que de personnes âgés qui en sortent. Entre 2017 et 2021, l’Insee a dénombré 172.000 personnes de plus sur le marché du travail, qu’elles aient ou non un emploi. Donc moins de chômeurs alors que la population active augmente cela se traduit mécaniquement par une baisse plus significative du taux de chômage.

L'Insee reprend la définition internationale du chômage

Par ailleurs, pour évaluer le nombre de chômeurs, l’Insee ne reprend pas les chiffres de Pôle Emploi mais fait sa propre estimation en suivant la définition internationale qui permet aux pays de se comparer entre eux.

Le Bureau international du travail stipule ainsi que pour dénombrer les chômeurs, il ne faut prendre en compte que les profils suivants: personnes de plus de 15 ans sans emploi, qui recherchent activement du travail, qui n’ont pas du tout travaillé dans la semaine précédant le moment où elles répondent au questionnaire sur leur situation personnelle et qui sont disponibles pour un poste dans les deux semaines suivantes. Cette définition permet de ne pas être tributaire des règles de radiation souvent mises en cause par ceux qui critiquent les chiffres de Pôle Emploi.

Les 7,4% de taux de chômage affiché aujourd’hui par la France constitue le niveau le plus bas depuis la crise de 2008. Cela ne veut donc pas dire que la question du chômage a été réglée. Pour être dans une situation de plein emploi, il faudrait que le taux passe sous la barre symbolique des 5%. Et, par ailleurs, nombreux sont encore les Français qui travaillent de façon intermittente, dans une précarité qu’ils subissent.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco