BFM Business
Economie et Social

Brexit : la tentation écossaise revient sur la table

La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon devant la couronne écossaise

La Première ministre écossaise Nicola Sturgeon devant la couronne écossaise - JEFF J MITCHELL / POOL / AFP

Malgré l’échec d’un référendum d’indépendance en 2014, la nomination de Boris Johnson, prêt à un « no deal », relance le débat sur un éclatement du royaume. Mais le « pays » écossais peut-il se le permettre ?

Bis repetita… L’Ecosse pourrait bien relancer son projet d’indépendance, après l'échec de 2014. C’est du moins le souhait de sa Première ministre d'Écosse, Nicola Sturgeon. Depuis plusieurs mois, elle martèle la nécéssité d’un nouveau scrutin, qu'elle espère d’ici 2021. « Nous allons prochainement présenter un projet de loi fixant les règles pour tout référendum relevant actuellement ou à l'avenir de la compétence du parlement écossais » affirmait-elle en avril dernier, alors que le Royaume-Uni ne parvient toujours pas à organiser son Brexit.

Et l’arrivée de Boris Johnson au 10 Downing Street ne fait que renforcer les envies de départ. Un sondage (Panelbase poll of Scottish), publié fin juin, assurait que la nomination du très controversé conservateur faisait grimper de 4 points les volontés d’indépendance des Ecossais : 53% y sont favorables contre 49% sous Theresa May. Là encore, Nicola Sturgeon se montre déterminée. « Johnson est vu en Écosse, à mon avis, comme l'un des principaux responsables du désordre qui règne autour du Brexit, » a-t-elle critiqué.

D’autant plus que l’ancien maire de Londres s’est aussi dit prêt à accepter un « no deal », une possibilité inenvisageable pour beaucoup d’Ecossais, très liés au continent. « Ils ont toujours été proches de l’Europe, sur le plan historique. Et ils ont fait un véritable vote anti-Brexit » rappelle Marie-Claude Esposito, professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle et spécialiste de l’économie britannique.

Une Ecosse auto-suffisante ?

Mais l’Ecosse peut-elle se permettre un Scotexit ? C’est toute la question qui agite les milieux politiques et économiques locaux. Aujourd’hui, le PIB par habitant est plus élevé que celui des voisins anglais. « Le pétrole a été une manne pour eux » souligne Marie-Claude Esposito, qui rappelle que la première activité du pays reste l’exploitation du gaz et du pétrole. « Mais elle a moins d’importance depuis quelques années » tempère l’universitaire. D’autant plus que la transition écologique rend le brut moins attrayant.

L’autre secteur fort de l’Ecosse est son économie de service. « La finance est très importante à Glasgow et surtout Edimbourg. C’est d’ailleurs le deuxième centre financier du Royaume-Uni, après la City de Londres » évoque Marie-Claude Esposito. Reste que le secteur bancaire ne suffira probablement pas à financer le train de vie des Ecossais, d’autant que les banques ont particulièrement souffert de la crise de 2008. Dernier secteur important : les exportations agroalimentaires, à commencer par le whiskey et les moutons. Sortir de l’Europe signifie aussi la fin des aides européennes de la PAC, vitales pour les agriculteurs… « Est-ce que l’Ecosse pourrait être autosuffisante ? Ce sera difficile, » note Marie-Claude Esposito.

Ouvrir la boîte de Pandore

En réalité, l’indépendance écossaise est surtout une question politique, avec un risque réel de contagion. L’Irlande du Nord a aussi majoritairement voté contre le Brexit. Le départ de l’Ecosse pourrait-il relancer le conflit qui a ensanglanté le nord de l’île ? Westminster, sous l’égide de Theresa May, était prêt à augmenter les dépenses publiques du côté écossais pour essayer de retenir les Ecossais au sein du royaume.

L’Europe non plus n’est pas vraiment emballée par l’idée. « Elle ne voit pas ça d’un très bon œil » explique Marie-Claude Esposito. « Ce serait ouvrir la boîte de Pandore pour les autres régions qui souhaitaient obtenir leur indépendance, comme la Catalogne. »

D’ores et déjà, Boris Johnson a promis de sauvegarder l’unité du pays. Mais après l’échec de 2014, les indépendantistes comptent bien relancer le débat. Le bras de fer ne fait que commencer…

Thomas LEROY