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Baisse de l'impôt sur le revenu: comment le gouvernement compte s'y prendre

Les membres du gouvernement se réunissent en séminaire ce lundi pour définir les modalités des mesures dévoilées jeudi par Emmanuel Macron. Parmi elles, la baisse de l'impôt sur le revenu qui pourrait se traduire par la réduction des deux premières tranches ou la création d'une nouvelle pour rendre l'entrée dans l'impôt plus progressive.

L'exécutif se met au travail. Quatre jours après la conférence de presse post grand débat national d’Emmanuel Macron, le Premier ministre Édouard Philippe réunit ce lundi les membres du gouvernement à Matignon pour mettre en musique les annonces dévoilées par le chef de l’État.

Le gouvernement devra notamment plancher sur la baisse d’impôts souhaitée par Emmanuel Macron pour répondre au ras-le-bol fiscal exprimé par les Français. Le locataire de l’Élysée avait dit vouloir une réduction de l’impôt sur le revenu de l’ordre de 5 milliards d’euros pour les classes moyennes. Soit une baisse totale de 7% de ce que rapporte chaque année l’impôt sur le revenu à l’État (70 milliards d’euros).

Reste à définir les modalités de cette baisse. Vendredi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a assuré le service après-vente, expliquant que 15 millions de foyers fiscaux en bénéficieraient. Soit près de 9 foyers imposables sur 10.

Baisse "d'à peu près 10%"

Sur RTL, son homologue chargé de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a fait savoir que la baisse envisagée serait "d’à peu près 10% pour chacun des Français qui paie l’impôt sur le revenu, à l’exception des plus riches d’entre eux".

Si cette mesure vise les classes moyennes, elle ne concernera finalement qu’une minorité de Français puisque 56,9% d’entre eux ne sont pas imposables aujourd’hui. Ajoutés à cela, les contribuables les plus aisés qui ne bénéficieront donc pas de la baisse d’impôts. Probablement ceux assujettis aux tranches de 41 et 45% (plus de 400.000 foyers fiscaux en 2017).

Cette mesure doit être inscrite dans la loi de finances qui sera votée au Parlement en octobre. Ce qui permettrait de l’appliquer sur tous les impôts payés à la source dès janvier 2020.

Baisse des taux des deux premières tranches

Le gouvernement aurait d'ores et déjà exclut l'idée de nouvelles exonérations d'impôts. Pour cibler la fameuse classe moyenne, il envisagerait davantage de toucher aux deux premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, celles à 14% (pour les foyers déclarant entre 9965 et 27.519 euros) et 30% (de 27.520 à 73.779 euros).

L’une des solutions consisterait à abaisser ces deux taux. "Pour éviter que les plus riches bénéficient mécaniquement de cette baisse, un système serait mis en place pour neutraliser cette diminution sur les tranches à 41 et 45% d’imposition", précise Le Parisien. Pour ce faire, l’exécutif pourrait par exemple décider d’abaisser le seuil d’entrée dans la tranche à 41% (73.780 euros actuellement) voire de ne plus indexer les deux dernières tranches sur l’inflation.

Création d'une nouvelle tranche

La seconde hypothèse serait de créer une nouvelle tranche intermédiaire qui s’appliquerait dès 9965 euros de revenus avant la tranche à 14% dont le seuil d’entrée serait quant à lui relevé pour "adoucir l’entrée dans l’impôt sur le revenu", comme le souhaite Bruno Le Maire.

En effet, l’entrée dans l’impôt sur le revenu peut aujourd’hui paraître brutale en raison du mécanisme complexe de la décote. Un chômeur qui reprend un travail peut se retrouver soumis à l’impôt sur le revenu au point que son "imposition marginale peut aller jusqu’à 40%" quand il rentre dans la première tranche avait expliqué le ministre de l’Économie. En clair, pour 10 euros supplémentaires gagnés, l’État prélève 4 euros.

Pourtant, la décote a été initialement créée pour réduire voire annuler l’imposition des contribuables les plus modestes. Pour en bénéficier, le seuil de l’impôt ne doit pas dépasser 1594 euros pour une personne seule et 2626 euros pour un couple. Un contribuable ayant un impôt de 1000 euros bénéficierait par exemple d’une décote de 445 euros. Il devrait donc verser non plus 1000 mais 555 euros à l’État.

La méthode de calcul de la décote revu par François Hollande en 2015 a donc permis de faire sortir de nombreux contribuables de l’impôt sur le revenu. En 2017, le seuil d’entrée dans l’imposition était en réalité de 16.410 euros grâce à ce dispositif.

L'effet pervers de la décote

Mais son efficacité est à relativiser en raison d’effets de seuil. Et pour cause, selon un rapport de Valérie Rabault, présidente du groupe PS, sur le projet de loi de Finances 2017, son application a fait que l’imposition marginale de ceux qui payaient encore l’impôt était "de 19%, puis 30% pour les contribuables dont le revenu est situé entre 16.500 et 23.000 euros annuels", expliquent Les Échos, ajoutant que c’est ensuite la tranche traditionnelle de 14% qui s’applique. Autrement dit, si la décote a soulagé de nombreux contribuables en retardant l’entrée dans l’impôt des plus modestes, elle a créé dans le même temps une sorte de taux intermédiaire dissimulé.

Prenons l’exemple d’un célibataire sans enfant déclarant 16.800 euros de revenu (14.895 euros imposables). En théorie, ce contribuable qui se situe dans la tranche à 14% doit s’acquitter d’un impôt de 721,84 euros. Mais l’application du calcul de la décote ((0,75 x 1594) – (impôt x 0,75)) lui permet de réduire son impôt de 654,62 euros. En clair, il ne lui restera que 67,22 euros à payer (721,84-654,62), puis 53,78 après application de la réduction forfaitaire de 20% pour les faibles revenus. Or, l’impôt n’est pas à acquitter lorsque son montant est inférieur à 61 euros. Le contribuable n’aura donc rien à payer.

Supposons maintenant que ce même individu voit ses revenus annuels déclarés augmenter de 200 euros, à 17.000 euros (15.300 euros imposables). Dans ce cas de figure, son impôt à payer devrait être de 747,04 euros mais la décote lui permet de réduire son impôt de 635,72 euros et de n'avoir à régler plus que 111,32 euros (747,04 – 635,72). Bénéficiant d'une réduction forfaitaire de 20%, il devra payer au final 89,06 euros nets. Cela revient à taxer les 200 euros supplémentaires à 44,5% (89,06/200) après réduction forfaitaire, au-delà des 14% donc. D’où l’impression d’une entrée brutale dans l’impôt.

"La décote est un système complexe qui manque de visibilité. Il faudrait faire beaucoup de pédagogie. Il serait préférable de créer un taux supplémentaire", explique dans Le Parisien Bénédicte Peyrol ,députée LaREM et membre de la commission des Finances. Rappelons qu’une tranche d’imposition à 5,5% était appliquée jusqu’en 2015 avant que François Hollande ne décide de la supprimer.

Quel financement?

Pour financer la baisse de l’impôt sur le revenu, Emmanuel Macron a évoqué plusieurs pistes. À commencer par la suppression de certaines niches fiscales pour les entreprises qui représentent au total 40 milliards d’euros.

"Après avoir beaucoup aidé les entreprises en France, on a aussi besoin d’elles pour qu’elles puissent nous accompagner dans la baisse d’impôt. Nous leur demandons de participer à une partie des 5 milliards d’euros de baisse d’impôt sur le revenu. Je pense que c’est tout à fait possible pour le patronat français de faire cet effort", a déclaré Gérald Darmanin ce lundi sur Europe 1.

Selon des sources au sein de la majorité, la niche fiscale sur le gazole non routier, dont profite le secteur du BTP/construction, devrait être supprimée. D'autres dispositifs pourraient aussi être ciblés. "Nous allons faire un travail très précis pour regarder" ce qui "mériterait d'être réduit", a prévenu Bruno Le Maire.

Emmanuel Macron a également fait part de sa volonté d’allonger la durée de cotisation pour le départ en retraite, sans toucher pour autant à l'âge légal de 62 ans, et sans supprimer de jour férié. Il a enfin évoqué la piste de la fermeture de certains "organismes" publics jugés inutiles.

Paul Louis