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Assemblée nationale: comment sont contrôlées les dépenses des élus

Entre une Commission de vérification des comptes qui n'entre pas dans le détail des dépenses et une déontologue occupée à conseiller les députés, les dépenses de la présidence de l'Assemblée nationale ne sont pas auscultées de près. D'autant qu'elles ont baissé sous la présidence de François de Rugy.

C'est un paradoxe. Malgré le homard, les grands crus et les pétales de roses de la Saint-Valentin, les dépenses de la présidence de l'Assemblée nationale ont baissé sous la présidence de François de Rugy. C'est ce qu'indique le Règlement des comptes 2018 de la Commission spéciale chargée de vérifier les comptes. Les dépenses qui étaient de 529.000 euros en 2016, étaient ainsi de 443.000 euros en 2018 à la fin de la présidence de François de Rugy, soit une baisse de 15%.

Même chose en ce qui concerne les frais de réception et de représentation dont il est ici question avec les repas. Ils ont baissé de plus de 13% entre 2017 et 2018, soit 60.000 euros dépensés en moins.

Sur la période, la présidence a été globalement moins dispendieuse que les précédentes. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu d’abus éventuels. Mais qui contrôle ces éventuels abus justement?

Pas de vérification dans le détail

Le problème c'est qu'aucun contrôle n'est effectué sur le détail des dépenses. La Commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes qui compte une quinzaine de membres et qui est présidée par un membre de l'opposition (en l'occurrence actuellement par Marie-Christine Dalloz, députée LR du Jura) se réunit une fois par an et n'entre pas dans le détail des dépenses.

"C'est un contrôle finalement assez formel sur les grandes lignes, explique René Dosière, ex-député, spécialistes des questions du train de vie de l'Etat et qui a fait partie de cette Commission. Par exemple, on ne demande jamais les factures, ce n'est pas la coutume."

Mais l'Assemblée dispose aussi d'une autre instance depuis 2011: la déontologue du Bureau de l'Assemblée. En l’occurrence depuis 2017 il s’agit d’Agnès Roblot-Troizier, professeur de droit constitutionnel. Elle conseille principalement les députés sur les situations délicates (les députés doivent lui déclarer par exemple tout cadeau reçu de plus de 150 euros), mais elle peut aussi être saisie en cas de manquement ou d’abus ou encore lancer des alertes auprès du Bureau. Elle n’a pas en revanche de pouvoir de sanction.

C’est en tout cas elle qui va étudier les cas des repas de François de Rugy pour vérifier qu’il n’y a pas eu d’abus et qu’il s’agit bien de frais de représentation.

Des frontières floues

Mais ce ne sera pas chose aisée. Il n’existe en effet pas de texte de loi qui peut encadrer ces dîners. Car les frontières sont floues. Si le président reçoit un économiste ou un chef d’entreprise, on est dans le cadre des frais de représentation.

Mais si l’un des deux s’avère être un ami? Est-ce du copinage ou toujours de la représentation? Des situations très complexes difficiles à trancher. Et c’est au président de l’Assemblée de juger en temps normal de la qualité de ces rencontres: repas informel ou repas privé.

Pour René Dosière, l’ex-député spécialiste du train de vie de l’Etat, les Rugy auraient certes pu le faire dans leur appartement privé. Même si la mobilisation du personnel de l'Hôtel de Lassay ne le surprend pas. "Le personnel est toujours à disposition lorsque le Président reçoit", assure l'ancien député. Qualité des participants, contexte, abus… C’est toutes ces questions que devra trancher la déontologue de l’Assemblée dans les jours qui viennent.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco