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Dépenses, impôts, croissance: comment Bercy va tenter de réduire le déficit

Le chiffre le plus attendu de la semaine sera officialisé par l'Insee mardi: l'ampleur du dérapage du déficit public l'an dernier en France. Quels leviers Bercy va pouvoir actionner pour faire des économies? Le point sur les solutions qui s'offrent à l'exécutif.

Le chiffre le plus attendu de la semaine sera officialisé par l'Insee mardi: l'ampleur du dérapage du déficit public l'an dernier en France, et dont les estimations ont déjà provoqué une tempête politique sur la gestion budgétaire des années Macron. Initialement prévu à 4,9% du PIB, le déficit 2023 sera "significativement" plus élevé, a admis le gouvernement, faisant peser un risque sur la trajectoire de désendettement de la France.

L'écart devrait être conséquent, puisqu'il atteindrait 5,6%, selon des révélations de presse. Chiffre corroboré lors d'une visite jeudi à Bercy du rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson. Ce chiffre est révélateur d'"une gestion budgétaire calamiteuse", a affirmé lors d'une conférence de presse le sénateur LR, reprochant au gouvernement d'être "incapable de suivre la trajectoire budgétaire qu'il a lui même fait adopter".

Pour maintenir le cap de 3%, le gouvernement devra effectuer un nouveau tour de vis budgétaire, a prévenu vendredi Emmanuel Macron. Dix milliards d'euros de coupes ont déjà été passés mi-février dans le budget 2024. Mais il faudra compléter "dans toutes les actions utiles de la dépense publique", a indiqué Emmanuel Macron, visant notamment les dépenses sociales ou des collectivités locales - qui représentent ensemble 70% des dépenses publiques, a rappelé Bruno Le Maire dans un entretien à Sud Ouest publié samedi.

"Nous n'augmenterons pas les impôts", promet le ministre de l'Economie dans dans cette interview.

Le point sur les solutions qui s'offrent à l'exécutif.

Dépenses publiques

La maîtrise des dépenses publiques est le principal levier promu par le gouvernement ces dernières semaines pour redresser les comptes. Début mars, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a indiqué que dix "revues de dépenses" étaient en cours pour identifier des gisements d'économies.

L'efficacité des "aides aux entreprises", "des politiques de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'apprentissage" ou des "dépenses immobilières" de certains ministères est ainsi en train d'être passée au crible. Dans la sphère sociale, l'étendue de la prise en charge des "dispositifs médicaux" et des "affections de longue durée" est également examinée.

Bruno Le Maire plaide aussi pour durcir à nouveau les règles d'indemnisation des chômeurs, une mesure également portée par Les Républicains dans leur "contre-budget" présenté à l'automne 2023. Au total, le gouvernement espère réaliser 20 milliards d'économies en 2025. Pour 2024, dix milliards d'euros de coupes ont déjà été actés dans les dépenses de l'Etat, un effort budgétaire qu'il faudra "compléter" selon Emmanuel Macron.

"Le danger", avertit cependant l'économiste de l'OFCE Mathieu Plane, "c'est de faire des programmes d'ajustement budgétaire" trop brutaux "qui sacrifient la croissance".

Impôts et taxes

Puisque le déficit est la différence entre les dépenses et les recettes, plusieurs voix au sein de l'opposition et de la majorité appellent le gouvernement à ne plus ignorer ce second levier. Vendredi, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a suggéré d'instaurer une contribution "exceptionnelle" sur les entreprises réalisant des "superprofits" ou versant des "superdividendes". Des mesures déjà portées par la gauche et certains membres du camp présidentiel lors de l'examen des deux derniers budgets.

Le chef de file des députés MoDem Jean-Paul Mattei propose lui de relever le taux du prélèvement forfaitaire ("flat tax") sur les revenus du patrimoine, une mesure qui ciblerait les contribuables les plus aisés. S'il espère récupérer quelques milliards grâce à la lutte contre la fraude fiscale et sociale, le gouvernement écarte toujours la piste des hausses d'impôts, fidèle à la ligne fixée par Emmanuel Macron depuis 2017.

Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Déficit, la France sur le chemin de la Grèce ? - 21/03
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Bruno Le Maire a tout de même indiqué vendredi que l'Etat prolongerait en 2025 la taxation de la "rente" des producteurs d'électricité qui se seraient enrichis à la faveur de la flambée des prix de l'énergie consécutive à l'offensive russe en Ukraine. La France soutient par ailleurs le principe d'une taxation minimale sur les individus à l'échelle européenne ou mondiale, un processus qui n'a cependant guère de chances d'aboutir rapidement.

Croissance

Reste une solution moins coûteuse politiquement: celle de la croissance, vantée de longue date par le gouvernement et ces derniers jours par le Rassemblement national. Le déficit d'un pays est exprimé sous forme de pourcentage de son Produit intérieur brut (PIB), plutôt qu'en milliards d'euros. En 2022, il représentait ainsi 4,7% du PIB de la France, soit 124,5 milliards d'euros pour un PIB de 2.639,1 milliards d'euros.

Si le PIB grossit plus vite que le déficit au cours d'une année, ce dernier représente mécaniquement un plus petit pourcentage de la richesse nationale. Depuis la pandémie, le gouvernement a principalement misé sur ce levier pour réduire le déficit, qui avait culminé à 9% du PIB en 2020. Mais là où la croissance était dynamique jusqu'en 2022, elle s'est nettement essoufflée en 2023 (0,9%), alors que les dépenses continuent à progresser et que les recettes fiscales ralentissent.

Pour Charlotte de Montpellier, économiste chez ING, "la croissance du PIB sera faible" aussi en 2024. "Cela implique que le déficit public risque à nouveau de largement dépasser la cible pour 2024 (4,4%, NDLR). En conséquence, la politique budgétaire deviendra probablement plus restrictive au cours des prochains mois, ce qui pèsera sur la reprise économique", anticipe-t-elle.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama avec AFP Journaliste BFM Éco