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Covid 19: les effets pervers du jour de carence

 Un arrêt maladie

Un arrêt maladie - Msama Flic CC

Des syndicats et associations de DRH demandent la suspension du délai de carence. Par peur d’une baisse de leur rémunération, des salariés préfèrent continuer à aller travailler malgré des symptômes évoquant le Covid ou cachent être cas contact.

Quand un salarié présente les symptômes de la Covid 19, ou est testé positif, il est placé en arrêt de travail et doit rester isolé pendant 7 jours. Le même protocole est appliqué aux personnes ayant été en contact avec un malade, afin d’éviter qu’elles ne contaminent leurs collègues.

Mais tout le monde ne respecte pas cette règle: un arrêt maladie est en effet synonyme d’une perte de salaire pour beaucoup de travailleurs, en raison du délai de carence où aucune indemnisation n’est versée. Cette période est d’un jour chez les fonctionnaires et de 3 jours chez les salariés du privé, si leur employeur ne les prend pas à sa charge. Pendant l’état d’urgence, ce délai de carence avait été supprimé. Mais depuis le 10 juillet, les arrêts malades ne sont plus indemnisés dès le premier jour.

Avec l’avancée de l’épidémie, de plus en plus de salariés préfèrent continuer à se rendre au travail et passent sous silence leur état. Même si elle ne peut fournir aucun chiffre sur le nombre de cas, l’association des DRH des grandes collectivités juge la situation suffisamment critique pour alerter les pouvoirs publics. Elle a demandé au début du mois de septembre de suspendre de nouveau ce jour de carence.

"Le contexte sanitaire rend vulnérables un grand nombre d'agents, particulièrement les agents territoriaux, qui œuvrent en proximité au contact des usagers des services publics", explique Johan Theuret, Président de l’association.

Il dénonce le traitement inégalitaire entre les malades, qui eux auront un arrêt maladie et une perte de rémunération, et les cas contacts, qui eux peuvent bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence et voir leur salaire maintenu.

"En fait il y a trop d’intervenants et de situations différentes, selon que l’on passe par un médecins traitant par un hôpital ou la CPAM", explique-t-il. En attendant, certaines collectivités s’apprêtent d’elles-mêmes à prendre en charge ce jour de carence. "Sinon c’est trop chronophage, et c’est contraire à l’intérêt général et au maintien de la santé publique", ajoute Johan Theuret.

De leur côté, les syndicats n’ont pas manqué de tirer la sonnette d’alarme dans les secteurs où les fonctionnaires sont en contact avec le public.

Les contrôleurs SNCF ont beaucoup à perdre

Comme à la SNCF où la CFDT Cheminots a alerté la direction du "risque réel que certains salariés touchés par la Covid-19 ne se déclarent pas à l'employeur pour éviter une perte de salaire conséquente à un arrêt de travail pour maladie", selon des informations du Parisien. Sa demande concerne l’activité Oiugo qui regroupe 2 430 personnes dont 470 contrôleurs.

Le syndicat souhaite le "maintien du niveau moyen individuel de rémunération des salariés atteint de la Covid-19 ainsi que pour les salariés de contact 1 placés en quarantaine pour cause de Covid-19". La situation des contrôleurs est particulièrement sujet à discussions car leur rémunération est composée au deux tiers d'une part fixe et d'un tiers d'une part variable versée quand il travaille. Un arrêt leur est particulièrement coûteux.

Par exemple, un contrôleur qui touche 1 250 euros de fixe par mois percevra avec les EVS (éléments variables de solde, NDLR) environ 1 900 euros au total, détaille au Parisien un élu de la CFDT Cheminots. Mais quand il est placé en arrêt maladie, non seulement il perd ces EVS mais en plus le salaire du délai de carence. Soit une journée pour les cheminots au statut et trois pour les contractuels.

Les professeurs sont aussi concernés

Les agents SNCF qui sont cas contact ont un arrêt maladie prescrit par leur médecin le temps de connaitre le résultat des tests. Leur rémunération fixe est maintenue, explique la SNCF à BFMTV. Mais cette mesure créée une discrimination entre les sédentaires, qui perçoivent la totalité de leur rémunération, et les contrôleurs qui perdent leur variable.

"Les conducteurs de train ont négocié de percevoir une moyenne de leurs EVS alors qu'ils sont moins en contact avec le public que nous", dénonce un contrôleur auprès du Parisien.

Au sein de l’éducation nationale aussi le problème se pose, puisque les professeurs sont eux aussi exposés à une perte de salaire. "Jusqu'ici, les enseignants en quatorzaine bénéficiaient d'une autorisation spéciale d'absence. Désormais, s'il n'y a pas de télétravail ou de possibilité d'aménagement, la quatorzaine est décomptée des congés maladie" explique le syndicat national des enseignants du second degré dans un communiqué. Une situation qui pourrait là encore inciter les enseignants à venir assurer les cours même s’ils sentent de légers symptômes au lieu de consulter un médecin.

Pour le moment, le gouvernement a refusé d'accéder à cette demande. Johan Theuret, Président de l’association rappelle que le gouvernement avait tergiversé en mars avant de faire sauter ce délai de carence. Pour lui, il ne fait aucun doute que l’évolution de la situation sanitaire devrait le conduire à remettre en oeuvre cette mesure.

Coralie Cathelinais Journaliste BFM Éco