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Soutenu par Bercy, Pernod Ricard conteste la remise en cause de sa stratégie par le fonds activiste Elliott

"Nous sommes un groupe avec de fortes valeurs familiales (...) notre stratégie est la bonne pour allier la rentabilité à court terme avec une croissance responsable, durable et profitable" a déclaré le PDG Alexandre Ricard.

"Nous sommes un groupe avec de fortes valeurs familiales (...) notre stratégie est la bonne pour allier la rentabilité à court terme avec une croissance responsable, durable et profitable" a déclaré le PDG Alexandre Ricard. - Joël Saget-AFP

Confronté aux vives critiques du fonds activiste américain Elliott qui a pris 2,5% de Pernod Ricard, la direction du géant français des spiritueux répond que sa stratégie est "la bonne pour allier la rentabilité à court terme avec une croissance responsable, durable et profitable". Bercy dénonce "la pression d'actionnaires de court terme".

Le fonds activiste américain Elliott a posé ses griffes sur le groupe familial français Pernod Ricard, deuxième groupe mondial de spiritueux. Ce fonds d'investissement américain, l'un des plus puissants au monde, engage souvent des bras de fer avec la direction des groupes dans lesquels il entre au capital pour en faire évoluer la gouvernance et la stratégie.

En annonçant publiquement, ce mercredi, détenir plus de 2,5% des parts de la société française, Elliott a dévoilé au grand jour son intérêt pour Pernod Ricard, dont il a critiqué la "gouvernance d'entreprise inadaptée". Le fonds estime que le nombre de représentants indépendants au conseil d'administration est bien plus bas que dans les autres entreprises du CAC 40 et demande "un plan d'amélioration opérationnelle plus ambitieux" qui permette notamment de recentraliser certaines fonctions en France.

Elliott pousse sa critique de la stratégie de Pernod Ricard jusqu'à demander d'envisager la possibilité d'une "fusion" de ce fleuron français avec un autre acteur du secteur pour "dégager plus de valeur pour les actionnaires".

Bercy contre la pression d'actionnaires de court terme

L'État a mis en garde ce mercredi contre la pression d'actionnaires de court terme sur la société française Pernod Ricard, après l'entrée au capital du fonds activiste américain Elliott, a indiqué une source au ministère de l'Économie à l'AFP.

"L'État souhaiterait que les grandes entreprises françaises puissent bénéficier d'un actionnariat stable et de long terme pour accompagner leur développement et leur ancrage en France", a expliqué la source. "Il ne souhaite pas qu'elles soient soumises à la pression d'actionnaires dont les objectifs sont la rentabilité de court terme", a-t-elle ajouté.

La direction de Pernod Ricard défend son bilan

En milieu d'après midi, Pernod Ricard a répondu publiquement aux attaques d'Elliott en défendant son bilan et en rappelant que "le conseil d'administration de Pernod Ricard était composé de 14 administrateurs hautement qualifiés et venant d'horizons divers".

Elliott veut aussi que la firme française change de cap pour avoir dans trois ans une marge opérationnelle aussi bonne, voire meilleure, que celle du géant des alcools et spiritueux britannique Diageo, premier acteur du marché, selon une source proche du dossier.

Selon Elliott, l'entreprise française a "sous-performé de manière significative en termes de rendement total pour ses actionnaires, se plaçant notamment dernière parmi ses principaux (concurrents) comparables au cours de la dernière décennie", indique le fonds.

Faut-il que le groupe revoit son portefeuille de produits?

Dire que l'entreprise est sous-performante par rapport à Diageo "n'est pas vrai", estime toutefois Anna Zyniewicz, analyste au bureau d'analyse financière AlphaValue. D'une part, "Diageo est une entreprise deux fois plus grande que Pernod Ricard, dont le portefeuille est un peu différent", d'autre part "une entreprise familiale, ce n'est pas exceptionnel dans l'industrie des spiritueux", selon cette analyste.

"L'entreprise pourrait clairement revoir son portefeuille de produits et se débarrasser des marques pas suffisamment performantes, c'est l'argument le plus pertinent", admet-elle toutefois. Mais pour cette analyste, la démarche d'Elliott est "bizarre" alors que le secteur des spiritueux est "celui qui cartonne le plus" dans l'industrie agroalimentaire.

Dans sa réponse aux critiques du fonds activiste, le groupe de spiritueux rétorque qu'il a "mis en place un nouveau modèle stratégique" dont les actions "portent leurs fruits": le chiffre d'affaires affichait une croissance interne de 6%, le bénéfice d'exploitation de 6,3% sur le dernier exercice (clos fin août 2018) et le groupe prévoit une croissance de 5% à 7% du bénéfice d'exploitation l'exercice en cours 2018-2019, a-t-il rappelé.

Alexandre Ricard vante un groupe "aux fortes valeurs familiales"

"Nous sommes un groupe avec de fortes valeurs familiales (...) notre stratégie est la bonne pour allier la rentabilité à court terme avec une croissance responsable, durable et profitable, [conforme à] une feuille de route long terme et cohérente", a déclaré le PDG Alexandre Ricard.

Elliott, dont les actifs sous gestion s'élèvent à environ 35 milliards de dollars, a notamment ravi en mai à Vivendi le contrôle du conseil d'administration de l'opérateur italien Telecom Italia, alors même que le groupe français en est le premier actionnaire avec 23,94% du capital, contre quelque 9% pour le fonds américain.

À la Bourse de Paris en fin de journée, le titre de Pernod Ricard prenait 4,98% à 147,50 euros, dans un marché en hausse de 2,26%.

F.Bergé avec AFP