BFM Business
Conso

Quand les machines à boissons et snacks livrent tous nos petits secrets

-

- - JEAN AYISSI / AFP

Selecta a progressivement converti ses 55.000 distributeurs de boissons chaudes, froides et de snacks en machines connectées. L’entreprise a ainsi récolté des tonnes de données sur nos usages, parfois surprenants. Florilège.

La machine à café parle enfin, et elle a beaucoup de choses à raconter sur la manière dont on l’utilise. Depuis deux ans, Selecta, le leader français des distributeurs de boissons et de snacks, convertit ses 55.000 automates français en machines connectées. Doter ces engins d’algorithmes visait initialement à optimiser la maintenance et l’assortiment. Mais au passage, l’entreprise a récolté une mine de données auprès d’un "caléidoscope de client qui reflète le tissu économique français", souligne Anthony Giron, le directeur général de Selecta.

Selecta opère en effet 50.000 machines de boissons chaudes, froides et de snacks dans les entreprises françaises. "Du siège social de multinationales à Paris, Lyon ou Nantes, aux PME basées en plein milieu de la pampa, en passant par Canal + et Ubisoft, le Crédit Agricole à Strasbourg, des usines d’automobiles ou de parfums, et des abattoirs", souligne le dirigeant. De quoi en apprendre beaucoup sur nos habitudes de consommation et les différences amusantes entre secteurs économiques et régions.

Plus de calories dans l’industrie que dans le tertiaire

Selecta a ajouté dernièrement 30% de produits "healthy" dans ses machines à friandises. Des gâteaux de riz soufflés Bjorg, des biscuits aux céréales Gerblé, des compotes de pommes. Ces produits ont conquis le secteur des services, dont les employés les ont choisis une fois sur quatre. Dans les usines en revanche, ces encas sains n’ont représenté que 7% des achats. L’industrie consomme plutôt des madeleines et des gaufres à foison, note Selecta. Tous secteurs confondus, les salariés dépensent en moyenne 50 centimes par jour dans les différentes machines, soit un total sur les jours ouvrables de l'année de... 115 euros par salarié !

L’entreprise remarque la même tendance sur les boissons: le thé et l’eau minérale sont plébiscités dans le tertiaire –"dans une grande banque parisienne, 80% des boissons froides vendues sont des Vittel"- tandis que dans le secondaire, on boit du Coca et du Fanta. Le spécialiste y voit deux causes: d’une part le travail des ouvriers, plus physique, qui les pousse vers "des produits caloriques, nourrissants". D’autre part le taux de femmes dans ces secteurs, inférieur à 30% dans l’industrie, et proche des 60% dans le tertiaire.

  • L’Est veut de la soupe, la Bretagne du local

Le potage à la tomate ne dégoûte pas tout le monde. "Dans tout l’Est et le Nord de la France, on nous demande beaucoup des soupes, et même parfois des distributeurs dédiés aux potages", s’amuse Anthony Giron, en pointant que "cette demande n’existe pas du tout dans le Sud ou en région parisienne".

Autre spécificité locale: dans certaines régions, les entreprises réclament de plus en plus que leurs distributeurs soient remplis de produits locaux. "Par exemple en Bretagne, un client nous demande un grain torréfié par un producteur local, ou en Alsace, tous nos sandwichs sont des ‘mauricettes‘, une spécialité locale à base de pain brioché", raconte-t-il.

Ces demandes ne sont pas simples à satisfaire parce qu’il faut des produits adaptés aux normes strictes qui régissent les distributeurs. Pour les "mauricettes", il a fallu que les producteurs utilisent une farine spécifique qui résiste au froid et se conserve un certain temps.

Le Coca n’est pas la boisson la plus consommée

Sur la France entière, les produits les plus consommés aux machines peuvent étonner. Par exemple, le snack le plus consommé des machines Selecta n’est ni le Kinder Bueno ni les M&M’s mais… la gaufre liégeoise ! "Les Français la mangent le matin avec leur café", détaille Anthony Giron, alors que la majorité des snacks sont d'ordinaire consommés en milieu d'après-midi.

Dans les boissons froides, ce n’est pas le Coca qui truste la première place, mais la Vittel de 50 centilitres, "très loin devant le fameux soda". Côté boissons chaudes, c’est évidemment le café (expresso, double expresso, allongé) qui remporte le plus de suffrages. Il représente 60% des ventes. Les boissons gourmandes comme les capuccino, latte, moka, augmentent néanmoins leur part de marché, avec 30% des ventes. Et ça devrait continuer puisque les millenials, "la génération Starbucks", comme les désigne le DG de Selecta, sont très friands de ces boissons sucrées. Quand à l'heure où on les consomme, c'est pour 50% avant 10 heures du matin, et pour 30% juste après le déjeuner. 

Mais ce n’est pas toujours le succès des produits qui détermine leur présence dans la machine. "On a un client dans l’aéronautique très connu, qui exige que ses machines à boissons proposent également des mélanges froids à base de sirop de grenadine et de sirop d’orange, assez chimiques. Elles sont très peu consommées, mais le client les veut à tout prix", s’étonne Anthony Giron.

Pas de café le vendredi à Paris

Dernier fait, celui qui a le plus surpris Selecta lors de l’analyse des données : la chute de la consommation de boissons chaudes le vendredi. "Dans les entreprises parisiennes, la consommation de café est bien plus élevée qu’ailleurs, mais le vendredi, les ventes s’effondrent de 25%", relate le spécialiste. Pourquoi? Selon lui, cela s’explique par la généralisation du télétravail en Ile-de-France, pratiqué par 20% des entreprises de la région.

Nina Godart