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Pouvoir d'achat: les ventes de produits bio ont chuté en France l'an passé

Après des années ininterrompues de croissance, les ventes de produits alimentaires labellisés bio ont reculé de 3% en 2021, à cause notamment de leur prix.

Une croissance cassée nette. Alors que les ventes de produits alimentaire bio affichaient des taux de croissance insolents en France, jusqu'à +23% sur un an en 2018, le marché s'est pour la première fois retourné l'an passé en grande distribution.

Selon l'institut d'études IRI, en 2021, les ventes ont reculé de 3,1% en valeur. Une moyenne qui cache de fortes disparités puisque les ventes de farine bio baissent de 18%, celles de beurre de 12%, -11% pour les fruits et légumes, les ventes de lait bio se replient de 7%, et de 6% pour les oeufs. Pour Emily Mayer, experte des produits de grande consommation au sein de cet institut, le "frein prix est indéniable".

Double peine

Les produits bio ont été doublement pénalisés. Ils sont déjà en moyenne 50% plus chers que les produits conventionnels. Avec la flambée des prix dans les domaines de l'énergie notamment (gaz, électricité, essence), les foyers ont donc du faire des arbitrages lors de leurs courses en grande distribution pour préserver leur pouvoir d'achat.

"Les dépenses de produits bio se sont stabilisées et ont même diminué au sein des foyers modestes, constatait alors Sabrina Laroche, LinkQ solution director chez Kantar World­panel interrogée par LSA. Si l’image du bio progresse dans l’esprit des Français, les motifs pour lesquels les consommateurs achètent du bio s’étiolent."

Les confinements ont bien séduit de nouveaux consommateurs, souvent jeunes. Mais ces derniers sont aussi les plus sensibles au prix.

Surproduction de lait et d'oeufs

Évidemment, la question est de savoir si ce repli est conjoncturel et si les ventes repartiront à la hausse à mesure que l'inflation retrouve des niveaux normaux en France cette année. D'autant plus que les années 2020 et 2021 étaient atypiques avec une consommation de produits bio en forte hausse pendant les confinements. Néanmoins, il met déjà en difficulté les producteurs qui ont été fortement incités à passer au bio pour augmenter considérablement l'offre.

Dans la filière oeufs, de nombreux producteurs renoncent et repassent au "conventionnel" dont les coûts (essentiellement pour l'alimentation des poules) sont deux fois moins élevés.

Des organisations de producteurs de l'ouest de la France et des industriels estiment même qu'il y a 1,15 million de poules bio "en excédent face aux besoins actuels du marché", soit "14 % de l'effectif total en poules bio".

Accélération des déconversions?

Dans le lait, le géant Lactalis s'est retrouvé avec un surplus de lait bio et a dû vendre 30% de cette production au prix conventionnel. Selon l'AFP, il aurait demandé à ses producteurs de "modérer les volumes" et gèle les nouveaux projets de conversion: ces agriculteurs qui décident de passer au bio.

Cette tendance risque donc d'accélérer les déconversions d'agriculteurs qui avaient tout misé sur le bio. Pour l'instant, selon l'Agence bio, chargée de la promotion de ce mode de production, le taux de déconversions (qui comprend aussi les départs à la retraite) est quasi stable, à environ 4%.

Soit "un peu plus de 2200 exploitants qui ont quitté les rangs des 53.000 bios. Ce n'est pas encore un motif d'inquiétude mais on va regarder cela comme le lait sur le feu", explique sa directrice, Laure Verdeau, à l'AFP.

Rappelons que le gouvernement a fixé l'objectif d'atteindre 18% de surfaces agricoles en bio en 2027 (contre 9,5% fin 2020). Un objectif qui sera difficile à atteindre si les ventes ne repartent pas très vite à la hausse.

Olivier Chicheportiche avec AFP