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Pourquoi la récolte de miel français sera catastrophique en 2019

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- - Fred TANNEAU / AFP

Les apiculteurs et leurs fédérations déplorent une saison dramatique pour la production de miel français cette année. En cause: un effet domino météorologique délétère, sans doute le pire qui pouvait se produire.

Des ruches entières décimées par la chaleur, des cheptels divisés par deux. "En 42 ans d’apiculture, je n’avais jamais entendu de tels témoignages", se désole Gilles Lanio, le président de l’Union nationale de l’Apiculture française, par ailleurs apiculteur dans le Morbihan. Alors que depuis plusieurs années déjà, la production française de miel décline, cette saison 2019 a été bien pire que les précédentes.

Sachant que le miel se récolte en principe entre avril et juillet, les apiculteurs savent déjà aujourd’hui que leur production annuelle sera dérisoire. Au lieu des 15.000 tonnes de précieux nectar doré récoltés l’an dernier, le total de cette année devrait se situer sous les 10.000 tonnes, prévoit Gilles Lanio. C’est trois fois moins qu’il y a 25 ans. 

Un hiver trop chaud, un printemps trop froid

La faute à la météo : "les pires conditions climatiques qui pouvaient arriver sont arrivées" explique Gilles Lanio. Un thermomètre en dents de scie qui a totalement désorganisé les colonies. "En temps normal, la reine commence à pondre quand elle voit de la nourriture rentrer dans la ruche. Elle enfante des ouvrières qui, un mois après, pourront aller butiner du pollen. Or cette année, les reines ont commencé à pondre très tôt, parce que la fin février a été particulièrement chaude. Donc les colonies se sont anormalement développées", explique le président de la fédération des apiculteurs.

Puis on a enchaîné sur un printemps très froid. Donc les ruches étaient pleines d’ouvrières qui ne trouvaient pas de pollen pour se nourrir. Elles ont commencé à mourir de faim, certains apiculteurs les ont vu s’entre-dévorer. Dans le même temps, les reines ont cessé de pondre. Donc quand tout a commencé à fleurir, il n’y avait plus d’ouvrières pour aller butiner.

Le miel breton et parisien épargné

Plus tard, les canicules et la sécheresse ont empêché la végétation de fournir autant de matière première que de coutume pour le miel. "Quand il fait trop chaud, les plantes se mettent en mode survie et ne produisent plus de nectar", détaille l’apiculteur breton. Les fortes chaleurs ont par ailleurs semé la mort dans les colonies.

Toutes les régions françaises n’ont pas été affectées au même niveau par cette succession d'aléas. En Bretagne, où le temps est resté plus frais, ou en région parisienne, où l’eau se trouve facilement, on revendique même un plutôt bon cru 2019. Le problème, c’est que les régions qui ont le plus pâtit de ces conditions climatiques –les quarts sud-ouest et nord-est de la France- sont celles qui produisent la plus grande part du miel français.

Un apiculteur qui produit chaque année du miel de Garrigues par tonnes a déploré auprès de la fédération n’être parvenu à sortir que 70 kilos de miel de ses ruches cette année. Et dans l’Hérault, les producteurs prévoient une récolte équivalente à 15-20% de leur production ordinaire.

Des conséquences pour 2020

Cette saison calamiteuse est d’autant plus dommageable qu’elle va avoir des conséquences l’année prochaine. Les cohortes d’abeilles mal-nourries cet été auront bien plus de mal à survivre cet hiver. Et les apiculteurs ne seront pas les seuls à déplorer les conséquences de cette année mortifère, rappelle le président de l’Unaf : "Pour l’environnement, c'est terrible, car les abeilles réalisent un travail colossal de pollinisation". Les agriculteurs le savent bien : c’est à ces ouvrières remarquables qu’ils doivent 30% du rendement de leurs champs de colza et de tournesol.

Cette mauvaise récolte 2019 n’aura en revanche pas d’impact sur la qualité du miel français, mais elle devrait se ressentir sur le prix des pots en supermarché. En particulier pour les miels du sud, ceux de thym ou d’acacia. On risque par ailleurs d’importer beaucoup plus, puisque déjà en temps normal, les 15.000 tonnes annuelles produites ne suffisent pas à satisfaire des Français qui en consomment 40.000 tonnes chaque année.

Nina Godart