Papier-toilette, papeterie, livres... Le prix du papier va-t-il s'envoler et risque-t-on une pénurie?

Les uns après les autres, les industriels utilisant du papier pour leur activité tirent le signal d'alarme et appellent à des hausses de prix et au soutien de la grande distribution. Mais faut-il s'inquiéter d'une pénurie?

Si la pénurie touche des domaines hautement technologiques comme celui des semi-conducteurs, d'autres produits, bien plus basiques connaissent aujourd'hui une tension rarement observée. C'est le cas de tous les produits dérivés de la pâte à papier.

Entre l'explosion de la demande mondiale générée par la reprise économique, la flambée des matières premières et de l'énergie, et les problèmes d'acheminement, les coûts explosent depuis plusieurs mois ce qui va immanquablement provoquer une hausse des prix finaux de nombreux produits de grande consommation afin de préserver un minimum de marges.

Exemple avec le papier-toilette, un produit que les consommateurs s'arrachent lorsque la situation sanitaire se dégrade et qu'il y a menace de confinement.

Papier-toilette: des coûts de production qui flambent de 30%

Le groupe Essity qui exploite en France les marques Lotus, Okay ou Tena subit une hausse de ses coûts de production de 30% et ne voit pas bien comment il pourrait éviter une hausse sensible du prix de ses produits.

"Le choc est tel, que nous ne pourrons pas absorber seul cet impact, Sinon, il faudra réduire la voilure", s'inquiète Arnaud Lafleur, vice-président France, Belgique, Italie, interrogé par Les Echos.

"On devra répercuter ces hausses l'an prochain, ça sera du +15 à +25% selon les produits, la grande distribution doit entendre le message", nous expliquait il y a quelques semaines, Eric Joan, PDG du Groupe Hamelin, la maison mère d'Oxford, premier fabricant européen de cahiers.

"La vague est tellement forte que la grande distribution doit accepter de refléter cet impact, et partager l'effort avec nous industriel en prenant à sa charge une partie de la hausse", abonde Arnaud Lafleur qui compte sur les négociations commerciales qui débutent avec les distributeurs pour les convaincre de prendre en charge une partie de ces hausses.

Fermetures d'usines

Les chiffres sont en effet sans appel. "Les hausses constatées depuis le début de l’année sont d’une ampleur inédite. Sur huit mois, les prix pour les fibres vierges se sont enchéris de 44% pour la pâte de résineux et de 47% pour la pâte de feuillus", souligne le Copacel (le syndicat professionnel représentant les entreprises françaises productrices de pâtes, papiers et cartons).

"Nous faisons face à des augmentations sans précédent: le prix de la pâte à papier a flambé de 60% sur 8 mois. C'est la plus forte augmentation jamais observée sur une période aussi courte. Même chose pour les matières plastiques, c'est hallucinant", confirme Eric Joan de Hamelin. La pâte à papier sert aussi bien à fabriquer des cahiers que du papier-toilette...

Et outre les facteurs conjoncturels, il ne faut pas oublier que de nombreuses usines de fabrication de pâte à papier ont fermé face à une surproduction et à une baisse structurelle de la demande avant la crise du covid.

Les gros utilisateurs ont sécurisé leurs stocks pas les petits

Si la perspective d'augmentations de prix pour de nombreux produits de grande consommation semble désormais actée, faut-il en même temps s'inquiéter d'une possible pénurie de papier-toilette ou encore de livres, de magazines voire de journaux?

"Ponctuellement, certaines sortes de papier connaîtront des difficultés d’approvisionnement, mais nous ne sommes pas dans une situation de blocage", rassure Benoît Duquesne, président de l’Union nationale des industries de l'impression et de la communication (Uniic) interrogé par L'Usine Nouvelle.

Pour autant, la flambée de la demande mondiale oblige les industriels de papier à hiérarchiser leurs livraisons. Les gros clients s'en sortent mieux car les approvisionnements ont été sécurisés au prix fort.

Dans l'hygiène, le risque de pénurie n'est pas à l'ordre du jour pour le moment. Pas de risque donc de voir le papier-toilette absent des rayons à court terme. Par ailleurs, les industriels comme Essity travaillent depuis un certain temps déjà sur des fibres alternatives à la pâte à papier comme la paille de blé.

Le poids d'Amazon

Les grands éditeurs ou les importants papetiers ont également "sécurisé" leurs stocks comme nous le précisait le groupe Hamelin.

Les acteurs plus petits doivent attendre et payer plus cher. "Quand un groupe commande 100 tonnes, et qu’un petit éditeur en commande trois, il passe évidemment au second plan", reconnaît un imprimeur interrogé par Actuallité.com. "Et la hausse de prix est en effet visible, autour de 20%".

"Nous ne savons pas si notre magazine va paraitre en juin prochain" s'inquiète le rédacteur en chef du magazine So Good tandis que certaines maisons d'édition craignent que les ouvrages gagnants des prix littéraires ne puissent pas être réimprimés dans les volumes souhaités.

Les industries utilisatrices s'inquiètent également du poids d'Amazon. Le géant du commerce en ligne est un consommateur avide de cartons pour ses colis expédiés par millions. Ce qui pèse mécaniquement sur l'offre. Ainsi, les deux producteurs scandinaves Stora Enso ou Norske Skog orientent de plus en plus leur production pour satisfaire les cartonneries qui fournissent le groupe américain.

"Amazon a acheté tout le stock de papier en Europe, pour ses packagings", s'alarme le rédacteur en chef de So Good cité par Petit Web.

D'autant plus que les filières de recyclage des "vieux papiers" ont considérablement ralenti leur activité en Europe pendant la crise sanitaire. Or, c'est avec ces vieux journaux que l'on fabrique aussi le carton. De quoi réduire une offre déjà sous tension.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business