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Nutella: le recours massif aux noisettes italiennes inquiète les écologistes

Les noisettes italiennes, fausse bonne idée?

Les noisettes italiennes, fausse bonne idée? - Charly Triballeau - AFP

Poussé par l'opinion publique à revenir aux noisettes italiennes, Ferrero a relancé la plantation de noisetiers, ingrédient de base de sa pâte à tartiner. Mais cette transformation suscite aussi une vive opposition en Italie.

La relocalisation est-elle toujours une bonne idée? Le débat fait rage en Italie. Depuis plusieurs années, les contestations se multiplient dans le pays, face à ce qui semblait être une bonne nouvelle.

En 2018, le géant italien de l'agroalimentaire, Ferrero, a présenté son plan "Progetto Nocciola Italia", avec l'ambition de faire revenir sur le sol de la botte, la noisette, matière première de son produit star, le Nutella.

Pour produire les centaines de milliers de tonnes de pâtes à tartiner par an, Ferrero se fournit en Turquie, premier producteur mondial de noisettes, avec 70% de la production totale. Le groupe italien en achète environ un tiers (un peu plus de 100.000 tonnes) mais souhaite inverser la tendance en se recentrant davantage sur les noisettes italiennes.

Travail des enfants

Les raisons sont multiples mais, depuis plusieurs années, des accusations de travail d'enfants pour la récolte en Turquie lui collent à la peau. En 2019, le groupe avait promis une traçabilité 100% des fruits à coque. Les pressions politiques et de l'opinion publique ont aussi motivé l'industriel à relancer la production de noisettes italiennes pour raccourcir les chaînes d'approvisionnement et redorer l'image de la marque.

D'ici 2025, Ferrero entend donc planter 20.000 hectares de noisetiers, pour augmenter de 30% la surface de production alors que l'Italie est le second producteur mondial, très loin derrière la Turquie (9%). Avec une démarche environnementale et sociale, tout semblait parfait sur le papier.

En réalité, la décision divise et est fortement critiquée par les écologistes. Pour ses détracteurs, la monoculture intensive appauvrit les sols et entraîne ainsi une hausse des besoins en pesticide. Surtout, les noisetiers grignotent les vignes et les champs d'oliviers centenaires à travers la péninsule alors que l'importance prise par Ferrero laisse craindre une mainmise sur les prix par l'industrie. Autant de sujets polémiques qui résonnent aussi en France.

Baisse des ventes

Mais l'arrivée des noisetiers est aussi une aubaine pour les agriculteurs, qui voient revenir en Italie un fleuron agricole. C'est même un débat "surréaliste" critique, auprès du Financial Times, Lorenzo Bazzana, responsable économique de Coldiretti, principal syndicat agricole d'Italie.

"La monoculture, qu'elle soit de blé, de maïs ou de vigne, n'a rien de nouveau. . . Il appartient à chaque agriculteur de faire ses propres choix et de suivre les bonnes techniques agronomiques."

Même tonalité de la part de Ferrero: " La culture de la noisette ne détruit pas la campagne italienne. Le pays a une longue histoire de culture de noisettes et est l'un des principaux pays producteurs."

En parallèle, le groupe doit aussi faire face à la méfiance grandissante des consommateurs face à l'huile de palme, autre matière première majeure de ses produits. Crédité encore en 2013 de 85% de part de marché dans la catégorie, Nutella recule depuis année après année notamment sur le marché français. La marque qui pesait encore 80% en 2016 est tombé à 75% en 2017 avant de chuter à 64,5% en valeur en 2019, soit une chute de 6 points en un an.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business