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Les téléconsultations d'ophtalmologie au secours des déserts médicaux

Les délais d’attente pour obtenir une consultation par un
ophtalmologue varie en moyenne de 47 jours en Île-de-France à 168 jours dans le Finistère.

Les délais d’attente pour obtenir une consultation par un ophtalmologue varie en moyenne de 47 jours en Île-de-France à 168 jours dans le Finistère. - Omar Haj Kadour-AFP

Dans des zones dépourvues d'ophtalmologues émergent des consultations à distance entre des patients et un médecin spécialiste procédant à l'examen depuis son cabinet. Une réponse pragmatique aux déserts médicaux qui repose sur des initiatives locales.

L'ophtalmologie fait face à un nombre insuffisant de médecins spécialistes et à leur inégale répartition géographique alors que les affections visuelles croissent avec le vieillissement de la population. Conséquence la plus visible: les délais pour consulter un ophtalmologue restent trop longs au regard du suivi régulier de la santé visuelle des patients.

Certes, une étude de la Drees, publiée en octobre 2018, a montré une légère baisse du délai d'attente dont la moyenne était de 80 jours contre 87 jours en 2017 selon une enquête de l'IFOP.

Pour remédier à cette situation de pénurie, la Cour des comptes préconisait en 2018 des regroupements de professionnels autour de plateaux techniques dans des centres de soins visuels. Sans attendre la mise en place de cette solution, des initiatives locales préfèrent jouer la carte du pragmatisme, pour créer des téléconsultations en ophtalomologie dans quelques déserts médicaux.

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Cette option représente une offre complémentaire et innovante dans les régions à faible densité de spécialistes: elle suppose aussi la coopération entre orthoptistes (profession paramédicale) et ophtalmologues. L'émergence de la télé-ophtalmologie a été rendue possible par la signature en 2018 du premier protocole de télémédecine au niveau national, rapporte le SNOF (syndicat national des ophtalmologiste de France) sur son site.

Au terme de cet accord, l'orthoptiste réalise l’ensemble du bilan visuel prévu au protocole au sein d’une structure à distance. Puis il envoie les résultats du bilan par télétransmission aux ophtalmologistes qui interprètent les résultats et envoient les prescriptions aux patients en 8 jours. Cette consultation est prise en charge à 100% par l’Assurance Maladie (sans dépassement) avec un partage d'honoraires à hauteur de 60% pour l'orthoptiste, le reste revenant au médécin.

Un camion de téléconsultation se déplace au sud de l'Ile-de-France

Une solution qui pousse encore plus loin cette logique de la téléconsultation a été défrichée en grande banlieue, au sud de l'Ile-de-France. Depuis le mois de juin 2019, la société Télé Ophtalmologie Mobile, codirigée par un ophtalmologue (Dr Lamine Haddad), a équipé un camion pour assurer une téléconsultation complète.

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- © L'ophtalmologiste assure sa téléconsultation depuis son ordinateur et son cabinet médical, avec le patient installé dans le camion.

Le véhicule se déplace successivement dans trois villes (deux en Seine-et-Marne, une dans l'Essonne) où sont accueillis les patients, une fois par semaine. "La solution mobile est adaptée aux petits bassins de population, ne justifiant pas un cabinet avec les coûts fixes qui en découlent" explique Lamine Haddad.

L'ophtalmologiste fait sa téléconsultation en direct 

La réservation des créneaux horaires s'effectue en ligne via la plateforme Doctolib. La consultation débute par la prise en charge dans le véhicule par un orthoptiste qui assiste le patient et assure les examens visuels. Ces examens sont télétransmis à l'ophtalmologiste pour qu'il assure dans la foulée la consultation par écran interposé et effectue son diagnostic en direct depuis son cabinet. Pour le patient, la consultation est facturée au tarif d'un spécialiste conventionné secteur 1 (sans dépassement d'honoraires), montant auquel s'ajoute la rémunération de l'orthoptiste. Cette téléconsultation est facturée en tiers payant au tarif Sécurité sociale, soit environ 20 à 25 euros remboursable par la mutuelle du patient, à la suite d'un accord passé avec la caisse départementale de la Sécurité sociale. 

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opthalmo 4.JPG © Source : Drees (octobre 2018)

Une initiative comparable a été prise à Bourg-en-Bresse dans l'Ain par la société Vision Exploris, créée par un orthoptiste, Ronan Kermarrec. Cette fois-ci tout se passe dans un cabinet où l'orthoptiste est capable de déterminer la pression intra-oculaire ainsi qu'une réfraction afin de déterminer la correction optique nécessaire pour le patient. Il peut réaliser une photographie du fond d'oeil. Les résultats de ces examens sont ensuite envoyés à l'ophtalmologiste (via un logiciel sécurisé et dédié) qui établit ultérieurement un compte rendu accompagné d'une ordonnance éventuelle au patient par voie postale, sous un délai de 8 jours.

Téléconsultations entre un Ehpad et le CHU de Rennes

"Vision Exploris se concentre sur le renouvellement de correction optique et le dépistage de la rétinopathie diabétique. Nous attendons la mise en place de nouveaux protocoles organisationnels entre orthoptistes et ophtalmologistes permettant le dépistage du glaucome et de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge, NDLR)" explique son fondateur.

Enfin, une troisième voie consiste à réaliser des téléconsultations avec des patients situés dans un Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) éloigné, où sévit la pénurie d'ophtalmologistes. C'est le cas de l'Ehpad de Janzé en Bretagne, situé à 30 km de Rennes. Avec la bénédiction de l'Agence régionale de santé, une plateforme sécurisée de consultation à distance a été mise en place fin 2018 avec le service ophtalmologie du CHU de Rennes. Une fois par semaine, un orthoptiste assiste les personnes âgées de l'Ehpad lors des téléconsultations, selon le quotidien Ouest France.

les principales pathologies de l'oeil

Les pathologies les plus courantes affectant l'oeil humain sont:

la cataracte, qui se caractérise par une opacification de la vue, accompagnée d'une gêne à la lumière.

la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) qui affecte 10 % de la population de plus de 85 ans ; elle provoque l’apparition de taches dans le champ visuel central et, à terme, une cécité.

la rétinopathie diabétique, qui affecte de nombreux patients atteints de diabète, entraîne la baisse de l’acuité visuelle; elle endommage progressivement la rétine.

le glaucome, maladie chronique, évolutive et progressive du nerf optique souvent liée à un excès de tension dans l’œil, qui conduit à la cécité en l'absence de traitement.

Frédéric Bergé