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Les millions de livres touchés par les patrons de Thomas Cook dans le collimateur des Britanniques

150.000 touristes britanniques voyageaient avec Thomas Cook quand le groupe a soudainement mis la clé sous la porte tôt lundi matin

150.000 touristes britanniques voyageaient avec Thomas Cook quand le groupe a soudainement mis la clé sous la porte tôt lundi matin - Tollga Akmen- AFP

Les différents dirigeants de Thomas Cook auraient touché 47 millions de livres (53 millions d'euros) ces dernières années et ce alors que la société était déjà très endettée.

Il n'y a pas qu'en France que les salaires des hauts dirigeants heurtent les opinions. Du moins quand les résultats de ces patrons sont catastrophiques. Alors que Thomas Cook a annoncé sa faillite ce lundi, les Britanniques s'interrogent sur la rémunération des dirigeants qui se sont succédé à la tête du voyagiste ces dernières années. 

À commencer par le premier ministre Boris Johnson qui lors d'une conférence de presse à New York a fait part de ses doutes sur la gestion du premier voyagiste britannique et sur les rémunérations de ses dirigeants: "J'ai des questions à leur poser pour savoir s'il est juste que les administrateurs ou toute autre personne dans le conseil d'administration se paient de grosses sommes d'argent lorsque les entreprises peuvent s'effondrer de la sorte."

Et la presse tabloïd anglaise a pris le relais. Notamment le Dailymail qui a enquêté sur les rémunérations des principaux dirigeants de Thomas Cook depuis quelques années. Dans un article sobrement titré "l'avidité des gros chats de Thomas Cook", le quotidien estime à 47 millions de livres (53 millions d'euros) bonus compris les sommes perçues par les hauts dirigeants de l'entreprise ces dernières années.

Dans le détail il s'agit de l'actuel et probablement dernier PDG de l'histoire de Thomas Cook, le Suisse Peter Fankhauser, qui a touché 8,4 millions de livres (9,5 millions d'euros) en incluant les 4,6 millions de livres de bonus depuis 2014. Sa prédécesseure, Harriet Green, qui empoché 11 millions de livres (12,5 millions d'euros) entre 2012 et 2014 puis 6,3 millions de livres (7,14 millions d'euros) en 2015 alors qu'elle n'est restée que deux mois dans l'entreprise cette année-là. Même si à son départ, elle a fait un don de 1,9 million de livres au parents d'un enfant décédé dans un centre de vacances Thomas Cook en 2006.

Mais le patron le plus controversé est l'Hispano-britannique Manny Fontenla-Novoa qui a touché 16,8 millions de livres (19 millions d'euros) entre 2007 et 2011, soit au moment où la société débutait son inexorable chute.

"Ils ne devraient pas toucher une livre de bonus!"

C'est en effet à partir de 2007 que la société a commencé à chuter en Bourse et que son endettement s'est dangereusement creusé. Déjà très endettée, la société qui possède une flotte aérienne et ses propres hôtels s'était offert en 2007 son rival MyTravel, une société qui valait 1,1 milliard de livres à l'époque. La fusion qui devait donner naissance à un géant européen et générer des économies estimées à 75 millions de livres par an s'est avérée être un fiasco. La société MyTravel qui n'avait réalisé qu'un seul bénéfice trimestriel durant les six années qui avaient précédé la fusion a été payée trop cher. Un investissement hasardeux doublé de malchance puisqu'un an après allait éclater la crise des subprimes, occasionnant un ralentissement du tourisme mondial.

C'est dans ces années-là que le destin de Thomas Cook s'est joué. Car dans les années 2010, le tourisme s'est transformé avec la montée en puissance du low-cost dans l'aérien, la terrible guerre des prix qu'elle a occasionnée ou encore l'apparition des services en ligne comme AirBnB.

Trop gros, trop endetté, Thomas Cook a manqué d'agilité ou de moyens pour investir dans de nouveaux marchés plus lucratifs comme la croisière ou l'achat dynamique de billets pour obtenir de meilleurs prix (plutôt que d'affréter des charters). La compagnie qui avait déjà frôlé la mort en 2011 avec un dette de 1,1 milliard de livres avait survécu in extremis grâce à une injonction de fonds supplémentaires de la part de ses actionnaires. Ce qui a creusé encore un peu plus sa dette. 

Des erreurs de gestions qui ont eu des conséquences désastreuses sur l'entreprises qui emploie 22.000 salariés dans le monde. D'où la colère envers les dirigeants "fat cats" et leurs importants émoluments. "Ils ont détruit la compagnie, mais ils seront chez eux bien au chaud alors que leurs employés souffrent et que des milliers de vacances sont ruinées, s'insurge un client nord-irlandais de Thomas Cook dans le Dailymail. Ils ne devraient pas toucher un centime d'un bonus lié à la performance, par définition. Vous ne pouvez pas récompenser les échecs de cette envergure avec des millions de livres, c'est ridicule." Vu l'ampleur de la faillite et de la gronde qui monte, des dirigeants seront sans doute amenés à rendre des comptes dans les mois qui viennent.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco