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Les industriels de l’alimentation lancent leur Yuka qui se veut encore plus précis

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- - Jeff Pachoud - AFP

Face au succès phénoménal des applications indépendantes comme Yuka, qui aident le consommateur à choisir les produits les meilleurs pour leur santé, les industriels de l’alimentaire contre-attaquent avec leur propre projet, NUM-Alim.

La Fédération nationale des industriels de l’alimentaire (ANIA) a annoncé vendredi le lancement prochain de Num-Alim, une base de données sur le monde alimentaire. Une réponse de Coca Cola, Ferrero, Lutti, et autres grands et petits noms du secteur au succès d’applications comme Yuka.

L’appli qui note les produits alimentaires en fonction de leur qualité nutritionnelle est devenue un véritable phénomène, téléchargée plus de cinq millions de fois. Tout en restant totalement indépendante des industriels de l’alimentation puisque les données sur lesquelles se basent ses notations sont compilées de manière collaborative par les consommateurs eux-mêmes.

Les industriels veulent reprendre la main

Plus globalement, aujourd’hui, une personne sur cinq fait ses courses smartphone en main. Justement, avec NUM-Alim, les industriels veulent reprendre la main sur les infos liées à votre alimentation. En septembre 2019, une première version de l’application sera lancée, issue d’une collaboration entre l’ANIA, le Fonds Français pour l’alimentation et la santé (une organisation qui réunit acteurs économiques et scientifiques), et enfin GS1, l’organisme qui édite les standards, comme les codes barre et le QR code.

Ce projet au budget de 6,2 millions d’euros, financé à parité par le public et le privé, vise à créer un écosystème de données plus transversal qu’aucune autre base existante. Ses concepteurs entendent convaincre plus de 18.000 entreprises de l’alimentaire de mettre en commun certaines informations sur leurs produits dans NUM-Alim. "On y trouvera la carte d’identité de chaque aliment, sur la base des treize chiffres de leur code-barre", explique Cédric Lecolley, président de GS1. En plus de toutes les informations nutritionnelles qui figurent sur la boîte des produits.

Des données sur la fabrication des produits

Plus innovant: les développeurs de NUM-Alim veulent également y intégrer des données sur les conditions de production des aliments, le cahier des charges, les pratiques agricoles et le mode d’élevage. Ils veulent également y associer des données sur les pratiques d’achat des consommateurs (par exemple, est-ce qu’ils sont influencés par le Nutriscore des produits qu’il achètent). Et à terme, NUM-Alim renseignera également sur la recyclabilité des emballages des produits.

Le problème, c’est que les marques qui vont devoir alimenter la base avec leurs propres données n’ont pas encore dit oui, pas plus que les producteurs, qui devront dévoiler leurs secrets de fabrication. Tout ceci est encore en discussion, reconnaissent les porteurs du projet.

NUM-Alim aura deux publics. En premier lieu, le consommateur. "Dans quelques années, on mangera en fonction de son microbiote et de son génome", affirme Daniel Nairaud, le directeur général de FFAS. Le consommateur ira donc sur Num-Alim pour composer son régime, assure-t-il. Pas sûr toutefois que des populations échaudées par les scandales alimentaires, qui se sont justement tournées vers Yuka parce qu’ils se méfient des industriels, fassent confiance à une application qu’ils ont eux-mêmes éditée.

Des appli de 3ème génération

Deuxième cible de NUM-Alim: les développeurs d’applications, start-ups et grands groupes du numérique qui lorgnent ces données sur l’alimentation des Français. Mais aussi les TPE-PME qui pourraient s’en servir pour faciliter leurs achats, et les distributeurs, pour mieux gérer leur assortiment, la traçabilité, et surtout, les rappels et retraits.

Pour avoir accès à la base de données de NUM-Alim, et utiliser ses données en quantité industrielle, ils devront payer. Il faudra qu’ils adhèrent à GS1, pour un montant allant de 80 à 4000 euros par an, en fonction de leur chiffre d’affaires.

Là encore, cette cible ne sera pas facile à conquérir. Il faudra que NUM-Alim propose du contenu différenciant par rapport à la base de données gratuite et collaborative Open Food Fact, auprès de laquelle se fournissent déjà en données les applications comme Yuka.

Le président de la FFAS, lui, est convaincu que les fabricants d’algorithmes vont plébisciter NUM-Alim pour concevoir des applications qui vont bien plus loin que Yuka. Par exemple, une app qui vous enverra un mail pendant que vous faites la queue à la caisse, pour lister les recettes (saines) que vous pourrez réaliser avec votre caddie, et combien de temps vous pourrez tenir sans avoir à retourner au supermarché. Elle pourra également vous suggérer tel ou tel aliment supplémentaire à acheter pour réaliser plus de repas avec votre caddie.

Nina Godart