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Les Français achètent moins chez Leclerc: est-il devenu trop cher?

En recul quasi-continue depuis le début de l'année, la part de marché des magasins Leclerc a encore accusé le coup en septembre. L'enseigne semble avoir atteint un pic et la concurrence a tapé plus fort sur les promotions.

Que se passe-t-il chez Leclerc? L'enseigne leader de la grande distribution en France est dans une mauvaise passe. Et c'est inédit. Après 10 ans à progresser quasiment sans discontinuer, sa part de marché a une nouvelle fois reculé de 0,4 point sur la période qui court du 10 septembre au 7 octobre, soit la plus forte baisse sur la période selon les données de Kantar citées par LSA. Un recul de part de marché sur un mois, cela arrive souvent aux enseignes. Mais pour Leclerc, il s'agit du huitième recul en neuf mois depuis le début de l'année. Et ça c'est une première. 

Certes avec 21,1% de part de ventes en France (plus d'un achat sur cinq en grande distribution), le groupe breton reste leader en France devant Carrefour (20,6%). Mais une telle série de reculs interroge. Leclerc serait-il devenu trop cher? Cela ne semble pourtant pas le cas. Selon cet indice qui compare les prix de milliers de produits dans les différentes enseignes, Leclerc reste le distributeur généraliste le moins cher de France. Avec un indice de 93,2 en juillet dernier, le groupe de Michel-Edouard Leclerc faisait mieux que Géant (94,4), Carrefour (95,9), Hyper U (96,1) et même que les hypers Intermarché (96,1). Sans même parler d'Auchan (101,4), de Carrefour Market (101,5) ou de Monoprix qui est l'enseigne la plus chère de France (118,2).

Le Nutella d'Intermarché a fait mal à Leclerc?

Alors qu'est-ce qui explique ce reflux? Premier facteur pointé: la pression promotionnelle plus faible que les autres enseignes. Si les prix de Leclerc restent très compétitifs, l'enseigne a été plus timorée en matière de promo que les autres enseignes cette année. En 2018, Leclerc a proposé 5% de promotions en plus que l'année dernière quand Carrefour faisait +8%, Géant +13%, Auchan et Intermarché +17% chacune. On se souvient encore notamment du très controversé rabais de 70% sur le Nutella d'Intermarché qui avait déclenché des émeutes en janvier dernier. En face, Leclerc donnait l'impression d'être moins incisif sur les prix. 

"Leclerc a peut-être fait une mauvaise analyse du marché, estime Olivier Dauvers, spécialiste de la grande consommation en France. Avec les états généraux de l'alimentation, ils ont peut-être pensé que la concurrence serait moins féroce sur les promotions, ce qui n'a pas du tout été le cas."

Autre hypothèse avancée par Olivier Dauvers, Leclerc paierait peut-être aussi son image de "fossoyeur des petits producteurs". "Les état généraux de l'alimentation ou encore le succès du lait "C'est qui le patron" ont mis la consommation responsable au centre du débat et peut-être que Leclerc en tant que leader est l'enseigne qui incarne le plus aux yeux des Français cette distribution "fossoyeur des producteurs", avance l'expert. 

Mais Leclerc reste le champion du drive

Dernière hypothèse qui pourrait expliquer le coup de pompe de Leclerc: la saturation du marché. Leclerc avait beaucoup progressé ces dernières années en accroissant le nombre de ses mètres carrés. Soit en ouvrant de nouveaux magasins, soit en agrandissant d'autres. Or, les enseignes alimentaires ne sont plus en phase d'expansion et les autorisations de mètres carrés sont plus difficiles à obtenir. Avec son parc actuel de magasin, Leclerc peut difficilement monter toujours plus haut. "Même s'il apprécie Leclerc, un consommateur français ne va pas faire 40 kilomètres s'il n'en pas un à côté de chez lui", estime Olivier Dauvers. D'autant que le groupe breton ne possède pas d'enseignes de proximité de centre ville qui ont le vent en poupe depuis quelques années.

Cette mauvaise série est-elle inquiétante pour Leclerc? Peut-être pas. D'abord parce que les baisses de parts de marché si elles sont nombreuses sont relativement faibles. On est loin des 0,7 point de perdu par Carrefour au plus fort de la crise du groupe. Mais surtout parce que Leclerc reste très fort sur le circuit qui continue de tirer le marché en France: le drive. Le groupe reste archi-leader sur le drive en France avec une part de marché de 48% et continue à progresser presque aussi vite que le marché (+7% pour Leclerc contre +8% pour le drive en France).

Un circuit sur lequel l'enseigne bretonne pense qu'elle va encore progresser. Leclerc anticipe même une fin d'année en trombe. "Nos nouveaux entrepôts ont permis de doubler les références du drive. Nous allons en ajouter 1.000 dont du jouet, assure ainsi Michel-Edouard Leclerc aux Echos. Nous progressons sur le fond de rayon et nous misons sur nos enseignes spécialisées comme la parapharmacie, ainsi que sur la livraison comme à Paris." De quoi voir l'avenir avec un peu plus de sérénité.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco