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Le bio pourrait nourrir l'Europe à condition de diviser par deux notre consommation de viande

Une étude du CNRS assure qu'une agriculture bio pourrait permettre d'ici 2050 de rendre l'Europe auto-suffisante, à condition de revoir drastiquement notre régime alimentaire.

Nourrir les Français et les Européens exclusivement en bio est-il envisageable? Alors que le bio ne représente que 8,5% des surfaces agricoles en France, le CNRS s'est penché sur un scénario où l'ensemble de la production européenne serait en agriculture biologique.

Le bio qui ne permet pas de produire autant que l'agriculture conventionnelle sur la même surface serait pourtant envisageable dans le cadre d'une agriculture de masse selon les chercheurs du CNRS.

"Avec un système agroalimentaire biologique, il serait possible de renforcer l’autonomie de l’Europe, de nourrir la population attendue en 2050, d’exporter encore des céréales vers les pays qui en ont besoin pour l’alimentation humaine, et surtout de diminuer largement la pollution des eaux et les émissions de gaz à effet de serre par l’agriculture", assure l'étude menée par le biogéochimiste Gilles Billen.

Si le bio pourrait potentiellement nourrir l'ensemble des Européens, il ne suffira pas de simplement transformer l'agriculture conventionnelle actuelle en bio. Selon l'étude, il faudra consommer différemment pour rendre cette agriculture viable.

Pas vegan mais beaucoup moins de viande

Et les changements devront être drastiques. Sans être vegan, le régime alimentaire devrait contenir deux fois moins de viande qu'aujourd'hui pour que ce scénario soit crédible.

"Nous préconisons un régime méditerranéen ou crétois, avec 30% d’apports protéiques d’origine animale et 70% d’apports protéiques d’origine végétale, explique Gilles Billen au site Réussir. C’est le régime proposé par les diététiciens, avec des besoins de base de 3,5 kilos d’azote protéique par an par personne. Aujourd’hui nous sommes au double, nous consommons beaucoup trop de productions animales."

L'étude prévoit deux autres leviers pour crédibiliser ce scénario d'une agriculture massivement biologique en 2050.

D'abord le retour à une forme de polyculture largement abandonnée ces dernières décennies afin d'optimiser le recyclage des déjections animales.

"Aujourd’hui la Bretagne produit la viande pour le reste de la France et le bassin parisien fournit les céréales, résume Gilles Billen. C’est complètement absurde, cela ne peut fonctionner harmonieusement. Nous préconisons un retour à la polyculture élevage pour permettre de refermer les cycles des matières avec la fertilisation des sols grâce aux déjections animales."

Le troisième levier consiste à faire plus de rotations dans les cultures entre les céréales et les légumineuses afin de préserver les sols.

Si les auteurs de l'étude assurent que ces préalables rendraient le scénario du bio possible, ce serait une révolution à marche forcée pour le secteur ainsi que pour les consommateurs.

Car la consommation de viande a certes reculé depuis son pic à la fin des années 90 mais on reste loin des standards requis pour le scénario du CNRS. La consommation de viande est passée selon Agreste de 94,1 kg par an et par Français en 1998 à 87,1 kg en 2018, soit une baisse de 7% en 20 ans. Un recul sensible mais il faudrait que la consommation chute radicalement ces 30 prochaines années.

Au niveau mondial aussi, la consommation de viande a connu des baisses inédites ces deux dernières années (-3% en 2020) mais reste à des niveaux élevés. La préoccupation environnementale semble être une partie de l'explication de cette décrue puisque la production de boeuf (la plus polluante) a fortement reculé dans le total de la viande. Le boeuf représentait 39% de la viande produite en 1961 contre plus que 20% en 2018.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco