BFM Business
Conso

La fin des négociations commerciales sous pression du gouvernement

Gabriel Attal a annoncé vendredi que le gouvernement allait "sanctionner très lourdement trois entreprises" qui ne respectent pas les lois Egalim visant à protéger le revenu des agriculteurs dans le cadre des discussions entre la grande distribution et ses fournisseurs de l'agro-industrie.

En pleine colère des agriculteurs qui réclament de meilleurs revenus, le gouvernement a mis la pression sur les négociations commerciales entre supermarchés et gros industriels, déjà tendues en raison du contexte inflationniste, et qui doivent prendre fin mercredi soir. Vendredi, après avoir égrené de premières mesures pour le secteur agricole, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé que "dans les prochains jours", le gouvernement allait "sanctionner très lourdement trois entreprises" qui ne respectent pas les lois Egalim visant à protéger le revenu des agriculteurs dans le cadre des discussions entre la grande distribution et ses fournisseurs de l'agro-industrie. Gabriel Attal a également promis un renforcement des contrôles et une "pression maximale" sur les négociations en cours.

Pas de baisse de prix massive ou généralisée attendue à l'issue des discussions

En novembre, le gouvernement avait fait voter une loi pour avancer de quelques semaines les négociations annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs de l'agro-industrie, destinées à fixer les conditions de vente (prix d'achat, place en rayon, calendrier promotionnel...) d'une large part des produits vendus en grandes surfaces. L'objectif des autorités était de faire redescendre plus rapidement dans les rayons des supermarchés les baisses de certains prix de gros, afin d'alléger autant que possible la pression inflationniste sur le portefeuille des ménages. Néanmoins, les acteurs sont à peu près d'accord pour dire qu'il ne faut pas attendre de baisse de prix massive ou généralisée à l'issue des discussions. Et que si quelques prix vont sans doute baisser, ce sera sans commune mesure avec plus de 20% d'inflation observée ces deux dernières années.

Si le calendrier a changé, l'ambiance conflictuelle entre ces acteurs économiques puissants est restée aussi tendue qu'à l'accoutumée, surtout entre les plus gros et y compris publiquement. Carrefour, deuxième distributeur alimentaire derrière E.Leclerc, a dénoncé la politique tarifaire de son fournisseur PepsiCo en sortant de ses rayons ses produits, chips Lay's ou Doritos, sodas Pepsi ou 7Up. De son côté le géant de l'agroalimentaire et des produits d'hygiène Unilever (Knorr, Amora, Axe ou Carte d'Or) a assigné en référé Intermarché pour une campagne d'affichage jugée dénigrante, avec une audience en référé fixée par le Tribunal de Commerce le 31 janvier, soit le dernier jour des négociations commerciales.

Bruno Le Maire menace les industriels et distributeurs en infraction de sanctions

Dans les médias, les distributeurs n'ont pas hésité à recourir aux métaphores martiales, le président du comité stratégique des leaders du secteur, E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, proclamant sa volonté de "casser la gueule à l'inflation". Dans leur dernière ligne droite, les négociations commerciales ont aussi été percutées par le mouvement de grogne chez les agriculteurs: certains producteurs ont reproché au gouvernement de prioriser dans les prises de parole la lutte contre l'inflation à la défense du revenu des agriculteurs.

"On ne peut pas avoir un ministre de l'Économie qui nous dit 'Il n'y aura pas de pression sur les matières premières agricoles' et qui explique toute la journée qu'il faut juguler l'inflation alimentaire", a par exemple clamé le président de la FNSEA Arnaud Rousseau.

Ce dernier est par ailleurs président de l'agro-industriel Avril (huiles Lesieur et Puget), qui a réalisé 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel en 2022. La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a de son côté précisé que la colère des éleveurs est nourrie par les montants trop bas auxquels les grands industriels Lactalis et Savencia achètent le lait.

En réponse, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, qui s'était exprimé vendredi à l'issue d'un comité de suivi des négociations, avait annoncé avoir relevé "un certain nombre d'infractions de la part des industriels (...) comme de la part de certains distributeurs" qui donneront lieu à des "injonctions de se conformer à la loi". Les contrevenants s'exposeront à une sanction à hauteur de 2% de leur chiffre d'affaires. Côté distributeurs, le président de Lidl France Michel Biero a déploré après cette réunion une législation "très complexe" et "obsolète", qui "ne fait plus de sens dans un contexte de crise comme celui qu'on vit". Il compte demander une mission parlementaire "de toute urgence pour mettre à plat cette loi de modernisation de l'économie".

TT avec AFP