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Jeans: la toile denim fait son retour à Nîmes

Détail d'un jean Atelier de Nîmes

Détail d'un jean Atelier de Nîmes - Atelier de Nîmes

Les Ateliers de Nîmes ont commencé la production de toile denim utilisée pour fabriquer des jeans. Un retour aux sources puisque comme son nom l'indique, la célèbre toile vient de la ville du Gard.

Si plusieurs acteurs français ont réintroduit la production locale de jeans, la toile denim utilisée pour fabriquer ce basique de la mode n'était plus fabriquée en France depuis le XIXe siècle (voir encadré). Or, c'est bien en France et à Nîmes (d'où son nom) que ce savoir-faire est né et a permis au jean de connaître un succès mondial au XXe siècle.

Mais aujourd'hui, la marque hexagonale de jeans "Les Ateliers de Nîmes" a décidé de réintroduire en France la production artisanale de cette toile particulière, dont le vrai nom est sergé denim, soit un tissage en oblique.

"On nous a pris pour des fous", confie à BFM Business, son fondateur Guillaume Sagot. "On travaille depuis 2014 sur ce projet avec l'ambition de réintroduire ce savoir-faire, ce patrimoine local à Nîmes, ce savoir-faire qui a totalement disparu de la région".

Des retraités à la rescousse

Lui et ses deux associés, Anthony Dubos et Clément Payen ont réussi à racheter trois machines à tisser pour moins de 50.000 euros (au prix de longues recherches).

"Deux, des pièces de musée, sont en rénovation et une, plus récente, est opérationnelle. Le plus compliqué en fait c'était de trouver des personnes qui savaient tisser avec ces machines. J'ai rencontré des retraités du tissage dans la région Rhône-Alpes qui nous ont aidé à tout mettre en place, à m'expliquer comment cela fonctionne. Désormais, on sort de la toile", poursuit Guillaume Sagot.

"On travaille ensuite avec des ateliers familiaux de façonnage au Portugal et à Marseille. Là encore, c'est un savoir-faire complexe. On travaille avec un atelier portugais car ils maîtrisent une technique de délavage écologique en utilisant de l'ozone et des enzymes biologiques", explique le responsable.

Jusqu'à présent, "Les Ateliers de Nîmes" fabriquaient leurs jeans avec de la toile italienne ou des Vosges pour une production artisanale de 3 à 4000 pièces par an. "Pour nous, créer une marque sans tisser la toile, c'était inconcevable" martèle Guillaume Sagot. A partir de septembre, les jeans tissés avec de la toile denim maison remplaceront progressivement ceux encore en stock.

200 jeans vendus chaque mois

La marque entend bien tirer parti de cette valeur ajoutée locale pour accélérer ses ventes qui sont d'environ 200 pièces par mois. Surtout que l'utilisation d'une toile maison provoquera seulement un "léger surcoût" sur le prix du produit vendu entre 75 et 180 euros.

De quoi également séduire les distributeurs tiers. Si la marque possède une boutique physique à Nîmes et évidemment un site marchand, elle est vendue également dans une dizaine de magasins spécialisés en France ainsi qu'au Printemps et à La Samaritaine...

Petite histoire de la toile denim
Pourquoi le tissage de sergé denim a quitté Nîmes? Popularisée par les André, grande famille protestante nîmoise, la toile servait  à la fabrication de futaines et de casaquins pour la population locale. Soie et laine furent remplacées plus tard par le coton, moins coûteux.
Après la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685, beaucoup de protestants dont la famille André quittent la ville et doivent s’exiler à Gênes ou en Angleterre exportant ainsi la toile de Nîmes avec eux.
La révolution industrielle en Grande-Bretagne accélère alors la production du denim outre-Manche. Plus tard un célèbre commerçant américain, associé d'un tailleur (les fameux Levi et Strauss), récupérèrent un lot de toile de Nîmes (plus confortable que la toile de bâche qu'ils utilisaient), ils posèrent des rivets sur le pantalon et l'adaptèrent au goût des travailleurs américains. Le jean était né.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business