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Faut-il craindre une pénurie de moutarde?

Moutarde (illustration)

Moutarde (illustration) - JEFF PACHOUD / AFP

La sécheresse qu'a connu le Canada fait flamber les prix des graines de moutarde qui sont utilisées pour le gros des ventes en France. Certaines marques commencent à limiter leur distribution, faute de stocks suffisants.

Les amateurs de moutarde auraient tout intérêt à faire quelques stocks. Les industriels annoncent la couleur: la moutarde pourrait bien se raréfier dès le mois de janvier. En cause, le manque de matière première à transformer pour fabriquer la sauce la plus célèbre de Bourgogne.

L'Européenne de Condiments, qui commercialise de la moutarde sous les marques Kühne, Bornier, Téméraire et des marques de distributeur alerte sur la situation.

"On a un très fort déficit, tout la profession est en extrême tension avec l’impossibilité de s’approvisionner en graines de moutarde, même si on met le prix. Le prix a été multiplié par trois, là c’est par quatre et on s’attend à [une multiplication] par cinq", s'inquiète son président, Michel Liardet.

Si la fameuse moutarde de Dijon est toujours fabriquée en Côte d'Or, la plupart des graines utilisées viennent en réalité du Canada, un des plus gros exportateurs mondiaux. Avec leurs surfaces agricoles immenses, les producteurs canadiens ont réussi à proposer des prix bien plus bas que les producteurs bourguignons.

Coup de chaud sur les graines

Sauf que rien ne va plus au Canada qui a affronté cette année une des pires sécheresses de son histoire, symbolisée par le terrible "dôme de chaleur" de l'été dernier dans l'ouest du pays et notamment la province de Saskatchewan, principale productrice de moutarde.

Et ce n'est pas le premier accident climatique. La production de graines de moutarde a ainsi fondu en deux ans, passant de 135.000 tonnes en août 2020 à 99.000 tonnes un an plus tard. Et la baisse devrait se poursuivre. Selon les autorités canadiennes, la production devrait encore baisser de 28% d'ici l'été 2022 pour descendre à 71.000 tonnes. "Les exportations devraient être rationnées" indique le site du ministère de l'Agriculture canadien et "les stocks de fin de campagne devraient chuter fortement."

L’Entreprise européenne de condiments, qui importe normalement 8000 tonnes de graines par an, n’a pu acheter que 100 tonnes.

La production française à la peine

Et faute de stock à brader, le prix moyen de la saison 2021-2022 devrait être presque le double du prix de 2020-2021, à un niveau record de 1700 dollars canadiens par tonne. Et il y a deux ans, le prix ne dépassait pas 700 dollars…

"La seule stratégie pour l’avenir c’est 100% de la graine récoltée en France. Pour ça, il faut mettre des moyens. On attend une aide de l’Etat. C’est un vrai enjeu de souveraineté nationale mais il faut qu’on aille beaucoup plus vite", avance Michel Liardet.

Les prix qui flambent peuvent-ils dès lors favoriser les petites exploitations bourguignonnes autour de Dijon? Même pas. "La production française est passée de 12.000 tonnes en 2016 à 4000 tonnes aujourd'hui" constate Fabrice Genin, président de l'association des producteurs de graines de moutardes en Bourgogne. Cette fois, ce sont les insectes ravageurs qui fragilisent les récoltes. Et là aussi, le prix explose, de 800 euros à 1300 euros la tonne.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business