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Des économistes estiment que la progression du pouvoir d'achat sera menacée par l'inflation en 2022

L'inflation va stopper cette année la progression du pouvoir d'achat en France, en se propageant depuis les prix de l'énergie à l'ensemble des activités, préviennent des économistes qui doutent des paroles rassurantes du patronat.

En novembre et décembre, la hausse des prix à la consommation mesurée par l'Insee s'est élevée à 2,8% en glissement annuel, un niveau qui n'avait pas été atteint depuis 2008.

Le pouvoir d'achat individuel (par unité de consommation) a lui progressé de 1,8% en 2021, mais devrait reculer de 1% sur le premier trimestre 2022 en raison "de la hausse des prix de la consommation", selon l'Insee.

"Je pense qu'on est parti pour une période longue d'inflation à un niveau qu'on a plus connu depuis longtemps", a déclaré jeudi sur France Inter le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux.

La plupart des économistes voient pourtant l'inflation fléchir avant la fin de l'année, à l'instar du gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau qui a affirmé mardi que la hausse des prix "est aujourd'hui proche de son pic dans notre pays, décembre montrant un début de stabilisation".

La déorganisation source d'inflation

"On anticipe que l'inflation reste élevée, entre 2,5% et 3%, au premier semestre 2022, mais pas forcément que ça accélère plus", estime aussi Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas.

"Il y a une inflation qui semble s'installer un peu plus que ce qu'on croyait au départ avec notamment des prix de l'alimentation et des produits manufacturés qui commencent à prendre le relais des hausses des prix énergétiques", estime de son côté Emmanuel Jessua de l'institut Rexecode, lequel table sur un indice des prix redescendu en dessous de 2% d'ici à la fin 2022.

Très présente aux États-Unis et dans les pays émergents, "l'augmentation des produits alimentaires risque de nous rattraper et de prolonger" la tendance inflationniste actuelle, selon Philippe Waechter, d'Ostrum Asset Management.

Mathieu Plane, de l'OFCE, redoute pour sa part que le variant "Omicron désorganise les chaînes de production, ce qui est plutôt inflationniste".

Salariés en position de force

S'il reconnaît que les augmentations de prix créent "des tensions", le président du Medef juge néanmoins qu'"en soi 3% ou 4% d'inflation, ce n'est pas un mal absolu".

Car, poursuit Geoffroy Roux de Bézieux, "on sort d'une bonne année 2021 pour les entreprises, et comme il y a eu deux ans de vaches maigres, il y aura des augmentations de salaire". Le représentant patronal promet aussi "une très bonne année" 2022 pour la participation et l'intéressement aux salariés qui y ont droit.

Mais certains économistes doutent que ces augmentations compenseront les pertes de pouvoir d'achat liées à la hausse des prix.

"On est sur des taux d'inflation qui sont plus élevés que ceux qu'on a l'habitude d'avoir. L'évolution des salaires ne sera peut-être pas suffisante pour compenser ce phénomène", craint Philippe Waechter.

Et d'après Stéphane Colliac "on reste dans un cadre où les augmentations de salaire sont plutôt limitées", et lorsque c'est possible, les employeurs "préfèrent passer par la rémunération variable, qu'elle soit par primes, intéressement ou participation pour ceux qui en ont plutôt que par le salaire en tant que tel".

"En 2022, les revalorisations salariales ne permettront probablement pas de compenser complètement au niveau individuel l'inflation", estime aussi Emmanuel Jessua.

Boucle prix/salaires

M. Waechter rappelle que contrairement aux années 70, les salaires ne sont plus indexés sur l'inflation et qu'en prenant "à sa charge tout ce qui touche aux prix de l'énergie" le gouvernement fait en sorte que ces prix ne soient à "aucun moment introduits dans les négociations salariales comme facteurs d'indexation".

Pour Mathieu Plane, la pénurie de main d'oeuvre dont se plaignent actuellement quatre entreprises sur cinq met néanmoins les salariés en position de force pour négocier des augmentations.

"Quand vous avez des tensions sur le marché du travail et le chômage qui baisse, c'est plutôt favorable à des augmentations de salaire", d'après lui.

Pour M. Jessua de Rexecode, institut d'inspiration libérale, "il y a un chemin de crête : il faut éviter que les négociations salariales n'entraînent une perte massive de pouvoir d'achat qui induirait une récession par une dépression de la consommation, et en même temps il faut éviter d'enclencher une boucle prix-salaires" qui accélérerait l'inflation.

OC avec AFP