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D’où viennent les cigarettes que les Français n’achètent pas chez le buraliste?

Sur les 40% de cigarettes issues des marchés parallèles, la contrefaçon se taille la part du lion. Et, hormis le duty-free, les cigarettes achetées à l'étranger, par les fumeurs ou les trafiquants, ont principalement pour origine l'Algérie, la Pologne et l'Espagne.

Sur 100 cigarettes fumées en France, seule une soixantaine ont été tirées d’un paquet acheté dans un bureau de tabac. D'où vient ce chiffre? D'une étude rendue publique la par la Seita. Plusieurs fois par an, la filiale française du groupe Imperial Tobacco demande à un prestataire de récupérer dans les poubelles quelques dizaines de milliers de paquets vides jetés un peu partout en France. Objectif: évaluer de façon fine et fiable l’origine des cigarettes fumées dans l'Hexagone.

On apprend ainsi dans son dernier rapport portant sur les paquets récupérés fin 2023, que parmi les cigarettes qui n’ont pas été achetées chez un buraliste, une sur trois est une cigarette de contrefaçon. Les paquets achetés légalement en duty-free arrive derrière (24%). Et puis, enfin, celles qui ont été achetées dans les divers pays où les paquets coûtent nettement moins cher qu’en France.

Algérie, Pologne et Espagne sont trois origines les plus prisées par les fumeurs français

Ces achats de cigarettes étrangères peuvent être légaux, car opérés par le fumeur lui-même ou par des personnes de son entourage. Mais une bonne partie sont issues de la revente de personnes qui en tirent profit. Parmi ces cigarettes, les plus fréquentes sont, selon cette étude, les algériennes (8%) suivies des polonaises (7%) et des espagnoles (5%).

Le phénomène n’est pas nouveau. La part des cigarettes achetées sur ces marchés parallèles se situe autour des 40% depuis que le paquet chez le buraliste a passé le cap des 10 euros. Mais il devrait y avoir cette année une nouvelle progression pour au moins deux raisons. D'abord parce que le gouvernement a été contraint pour des raisons juridiques de ne plus limiter à une cartouche l'"importation" de cigarettes pour les voyageurs qui arrivent d’un pays de l’Union Européenne.

Désormais, pour un usage personnel, la règle redevient la même que chez nos voisins, à savoir quatre cartouches maximum. Seconde raison favorisant les achats sur le marché parallèle: les nouvelles hausses prévues du prix moyen du paquet, du fait d’une augmentation des taxes: de 11 euros depuis le 1er janvier dernier, il doit passer à 12 euros début 2025.

Des taxes plus élevées par paquet mais des recettes qui baissent

Ce nouveau déclin annoncé des ventes devrait accentuer une conséquence qu'on observe déjà sur le plan fiscal: l'augmentation des taxes sur le tabac censée inciter à les fumeurs à arrêter ne porte plus vraiment ses fruits.

Quand on regarde dans les poubelles, on ne note pas de baisse majeure du nombre de paquets de cigarettes jetées. Et du côté de la taxe tabac destinés à remplir les caisses de la sécurité sociale, un constat s'impose. Depuis la fin de la crise Covid, non seulement les recettes n'atteignent plus le niveau estimé au moment du vote de loi de financement de la sécurité sociale, mais elles baissent d'une année sur l'autre (14,7 milliards d'euros en 2021, 13,8 en 2022 et 13,7 l'an passé).

Entre l'espace de deux ans, un milliard d’euros est ainsi parti en fumée. Et on voit mal comment cette tendance pourrait être inversée cette année ou en 2025, même si les douanes intensifient la lutte contre le commerce illégal.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco