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Crise Covid: pourquoi les brasseurs français trinquent plus que les viticulteurs

Les ventes de bière aux cafés et restaurants ont été divisées par deux l'an passé. Et les brasseurs n'ont quasiment rien vendu aux organisateurs d'événements. Or les fûts offrent une durée de conservation assez limitée. Certains bradent donc leur production 2020.

Tous les producteurs français de boissons alcoolisées ont été confrontés en 2020 à une chute de leurs ventes. Mais parmi eux, les brasseurs sont sans doute ceux qui ont le plus souffert. Car dans cette crise très particulière la bière a souffert d’un triple handicap.

D’abord, parce que la bière est, de tous les alcools, celui que les Français consomment le plus quand ils ne sont pas chez eux. En temps normal, les brasseurs français vendent 65% de leur production à la distribution alimentaire (hyper, supermarchés et magasins de proximité), 20% aux bars, cafés et restaurants et 15% aux organisateurs d’événements (compétition sportive, festivals, concerts, mariage…).

La bière en fût ne se garde pas plus de 9 mois

Mais l’année dernière, entre les confinements du printemps puis de l’automne, la fermeture des cafés, des bars, puis des restaurants et les annulations en cascades des événements, les ventes hors domicile ont plongé. "On était quasiment à zéro avec l’événementiel et à - 50% pour les cafés et restaurants", constate le délégué général de Brasseurs de France, Maxime Costilhes. Les Français ont certes acheté un peu plus de bière qu’en 2019 dans les supermarchés, mais ce sursaut est loin d’avoir compensé le plongeon de la consommation hors domicile.

Deuxième handicap des brasseurs par rapport aux viticulteurs: ils peuvent difficilement stocker leur production. Et la bière vendue aux cafetiers, aux restaurateurs, aux organisateurs d’événements est très majoritairement conditionnée dans des futs. "Avec une durée de conservation de six à neuf mois, inférieure donc à celle des bouteilles" souligne Maxime Costilhes. Enfin, le dernier handicap des brasseurs français est leur faible présence à l’international. Seule les maisons Champigneulles, en Lorraine, et Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, ont une forte présence à l’export.

Deux brasseries bradent ce samedi

Ces derniers mois, de nombreux brasseurs ont donc été contraints de céder une partie de leur production aux diverses filières prêtes à reprendre leurs invendus (alimentation animale, biogaz…). Certains ont organisé des ventes à prix bradés. Ce samedi, les zythologues pourront s’approvisionner dans une microbrasserie vannetaise. Awen cède près de 5000 litres vendus en fût au tiers du prix habituel. Toujours ce samedi, à l’autre bout de la France, en Alsace, les brasseries Meteor se sont associés aux grossistes en boissons pour déstocker auprès du grand public.

Mais s’ils souffrent de ces méventes, les brasseurs ne se plaignent pas. "Nous avons eu beaucoup de réunions à Bercy. Les aides initiales qui ne dépassaient pas 1500 euros par mois ont été revues à la hausse. Elles peuvent atteindre aujourd’hui jusqu’à 200.000 euros." se félicite le délégué général de Brasseurs de France.

Reste une inconnue dans l’équation à laquelle les 2000 brasseurs indépendants français sont confrontés: à quelle date, leurs clients perdus pourront-ils reprendre leur activité? Sans informations sur ce point, ils sont dans l’incapacité de définir le bon niveau de production qu’ils doivent réaliser cet hiver pour livrer leurs clients cet été. Car, cette année, ils comptent bien ne pas avoir à jeter ou à brader à nouveau leurs fûts.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco