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Coronavirus: comment les restaurateurs espèrent obtenir l'autorisation de rouvrir en juin

Vers une réouverture des restaurants et lieux de culte le 15 juin?

Vers une réouverture des restaurants et lieux de culte le 15 juin? - RMC

Dépités de ne pouvoir rouvrir dès le 11 mai, les restaurateurs préparent l'après-confinement: moins de tables, des masques, une prise de la température des clients... Des mesures drastiques qui vont mettre à mal leur modèle économique.

Cafés, bars, restaurants…. Tous ces établissements ont dû fermer leurs portes avec le confinement. Si certains continuent une partie de leur activité grâce à la livraison ou la vente à emporter, pour une grande majorité d’entre eux, c’est l’arrêt total. Et cela risque de durer, car si le déconfinement progressif doit débuter le 11 mai, le président de la République l’a souligné dans son discours, les restaurants ne seront pas concernés.

Une obligation de garder porte close qui inquiète. Dans une tribune publiée lundi 20 avril dans Le Figaro, de grands chefs alertent sur le "danger de mort" encouru par leur profession. 

“Le secteur de la restauration, garant, hier, de plus d’un million d’emplois, est, aujourd’hui, à l’arrêt. Beaucoup d’entre nous risquent de ne pas être en mesure de se relever si la cessation de leur activité se poursuit", écrivent ces 17 grands noms de la gastronomie au chef de l’Etat. 

"J’estime qu’un tiers des restaurateurs français ne passeront pas cette crise, déclare Bernard Boutboul, directeur général de Gira Conseil, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement de restaurateurs. En attendant l’autorisation de rouvrir leurs établissements, les patrons de restaurants cogitent. "Il faut profiter de ce temps pour se réinventer, souligne Bernard Boutboul, car même une fois l’autorisation de rouvrir donnée, rien ne sera vraiment comme avant". 

Pour garantir la sécurité des clients et des salariés, il va déjà falloir pousser les tables. Dans certains restaurants, notamment les brasseries des grandes villes où chaque mètre carré compte, nombre de couverts vont disparaître pour garantir aux clients le respect de la distanciation physique. "Il va falloir que les restaurateurs perdent au moins un tiers de leurs places assises, les gens ne voudront plus manger à 70 centimètres de la table d'à côté", prévient Bernard Boutboul. 

Moins de tables et la disparition du menu

Hubert Jan, président de la branche restauration de l'Umih (l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie) et patron d'un restaurant dans le Finistère travaille avec d’autres restaurateurs, dont Thierry Marx, sur un plan destiné à convaincre le gouvernement de leur accorder une autorisation de réouverture, que certains dans le milieu de la restauration espèrent voir arriver en juin.

"Je m’inspire beaucoup de ce qui se fait en Corée du Sud", souligne-t-il. Selon lui, les restaurateurs n'auront pas d'autres choix que de supprimer jusqu'à 50% des tables. "De toute façon, au début, on n'aura pas autant de clients que d'habitude. Déjà la clientèle étrangère ne sera pas là, il faudra s'appuyer sur notre réseau de clients, et c'est pas gagné non plus de les retrouver", constate-t-il. 

Pour rassurer sa clientèle, la restauration propose également de s'engager sur des mesures sanitaires: "On fera comme en Corée du Sud, on prendra la température des clients. A plus de 38°C, on rentre pas, au moins ça peut sécuriser tout le monde", poursuit-il. A l'entrée des établissements, le président de l'Umih prévoit aussi l'instauration d'un nouveau passage obligé: la désinfection des mains au gel hydroalcoolique, pour tout le monde. 

Et le port du masque pour les serveurs? "Il faudra le mettre en place. C'est clair. On peut envisager des masques un peu plus fun, avec du plexiglas, pour voir le sourire", imagine Hubert Jan.

Autre incontournable du restaurant qui va devoir se réinventer: le menu. "Les clients ne voudront pas prendre en main un menu qui a déjà été touché par les clients d'avant", souligne Bernard Boutboul. Les restaurateurs pourront passer par des applications sur smartphones, "des startup proposent des solutions très simples, on flashe un QR code sur une table et la carte s'affiche directement", explique le spécialiste. Autres solutions: des menus papiers jetables ou l'incontournable ardoise, qui ne risquent pas de transmettre de virus. De nouvelles habitudes à prendre qui inquiètent les restaurateurs: "nos métiers sont inscrits dans la convivialité. ça va être difficile de retrouver cette notion dans de telles circonstances", admet Hubet Jan, inquiet. 

La convivialité mise à mal?

Quand aux parois en plexiglas qu'on a pu voir installées sur des tables dans des restaurants à l'étranger, "ce n'est même pas la peine d'y penser en France, parce que le consommateur n'acceptera absolument pas d'être emprisonnés dans ces cubes. La restauration pour les Français, c'est de la convivialité, du partage et du plaisir", explique Bernard Boutboul.

Moins de tables et forcément moins de clients, c'est tout le modèle économique de la restauration qui risque de flancher. La solution passera-t-elle par la vente à emporter? Pas si simple. "Ce n'est pas facile de trouver une clientèle pour ça dans un marché déjà occupé par la restauration rapide", souligne Hubert Jan. 

Des drives pour les restaurants

D'ailleurs pendant cette période de confinement, les restaurateurs qui ont maintenu une activité livraison ou vente à emporter le constate, "ça n'a pas fonctionné du tout, reconnait Bernard Boutboul. Les consommateurs ont peur du contact avec le livreur et avec le sac." 

A l'avenir pour le spécialiste, cette vente à emporter va bien se développer, mais si elle s'inspire de ce qui fonctionne déjà: "Regardons le drive des grandes surfaces qui cartonne, ou McDonald's qui commence aussi à rouvrir à emporter, sans contact, en restant dans sa voiture....ça marche parce que c'est beaucoup plus sécurisé que la vente à emporter ou vous êtes en face à face avec quelqu'un", précise le spécialiste qui conseille à ses clients de copier ce modèle: "le client se gare devant l'établissement et le restaurateur met directement dans le coffre deux entrée, deux plats pour manger à la maison le soir, dans un packaging plutôt haut de gamme. On va vers une nouvelle façon de faire de la restauration c'est sûr et certain", analyse Bernard Boutboul pour qui la principale préoccupation des consommateurs dans les mois à venir sera l'hygiène:

"Je pense que le nombre de cuisines ouvertes qui se sont déjà bien développées ces dernières années va exploser, et il faudra que les restaurateurs redonnent confiance aux clients en montrant des choses très carrées au niveau du respect des règles d'hygiène", prévient le consultant.
Anne-Katell Mousset