BFM Business
Conso

Coronavirus: comment les petits commerçants se sont mis dans l'urgence au e-commerce

Après l'annonce de la fermeture des marchés, les petits commerçants se sont mis au e-commerce et découvrent le potentiel de ce modèle

Après l'annonce de la fermeture des marchés, les petits commerçants se sont mis au e-commerce et découvrent le potentiel de ce modèle - AFP

D'abord le confinement, puis l'annonce de la fermeture des marchés a déclenché un vague d'innovation dans tous le pays. Des petits commerçants se sont improvisés vendeurs en ligne pour maintenir leur activité et continuer de servir les clients.

La décision de fermer les marchés a été un choc. Non seulement pour les clients qui s'y rendent pour acheter des produits frais, mais surtout pour les commerçants qui du jour au lendemain ont dû cesser toute activité. Ils se retrouvent sans revenu, mais aussi avec un stock de denrées périssables qui risque de se transformer en un monumental gâchis alimentaire.

Mais, aussi rapidement que les salariés se sont mis au télétravail, ces commerçants sont devenus des e-commerçants aussi efficaces qu'Amazon. Dans toute la France, ils ont créé des services en ligne pour livrer les clients à domicile. Avec ou sans l'aide des municipalités, des départements ou des régions.

À Paris, la mairie a mis en ligne un annuaire des commerçants capables de prendre des commandes en ligne et livrer à domicile. 

"Nous avons lancé cet annuaire [...] en priorité [pour] les habitants isolés et fragiles qui doivent minimiser leurs déplacements", explique la mairie de Paris.

Sur son site, l'Hotel de ville a publié un formulaire pour permettre aux marchands de figurer sur cette liste ouvert seulement aux commerces autorisés par le gouvernement.

Gérer les commandes, les livraisons et le réseaux sociaux

En banlieue parisienne, la ville de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) est avec huit marchés hebdomadaires la ville d’Île-de-France qui en compte le plus après Paris. Avec l'appui de la mairie qui a mis à disposition deux camions de restauration collective ainsi qu'un service de logistique, la groupe Dadoun, concessionnaire de 75 marchés en Île-de-France dont plusieurs à Paris, a créé le site Monpanierdumarche.com.

Cette plateforme propose des produits frais provenant exclusivement des commerçants des marchés de la ville. "Un service de livraison à domicile a été mis en place pour les personnes fragiles. Pour les autres, des points de collecte sont organisés dans plusieurs points de la ville pour que les règles de distanciation soient respectées", indique à BFMTV le service communication de la mairie.

"Nous avons créé ce site en dix jours", explique à BFMTV Michael Hulot, directeur général de la société. "Nous pensions faire environ 50 livraisons par jour. Ce jeudi 26 mars, nous en avons fait 600". 

Au Nord de Paris, la vile de Drancy (Seine-Saint-Denis) a demandé une dérogation au préfet pour une réouverture sous conditions. Actuellement, seules 65 municipalités ont eu l'autorisation de maintenir leurs marchés.

Mais sans attendre, un commerçant, Michel Salvatore, s'est improvisé vendeur en ligne. Son stock de plusieurs tonnes de denrées alimentaires provenant de Rungis a été installé dans son domicile. Ses collègues viennent lui apporter d'autres produits à vendre. Comme il l'a expliqué à BFMTV, sa femme, sa fille prennent les commandes par téléphone ou en ligne et son fils gère les réseaux sociaux. Les clients viennent chercher leurs achats sur rendez-vous. 

Même le marché de Rungis, le plus important d'Europe, s'est mis à la vente en ligne. 

"'Rungis livré chez vous' a vocation à devenir 'les taxis de la Marne' de la guerre contre le coronavirus", explique le président du marché Stéphane Layani.

Ce site est le fruit d'une collaboration entre les grossistes, la région Ile-de-France et la chambre d'agriculture d'Ile-de-France.

Réservé dans un premier temps aux consommateurs de Paris et de la petite couronne, ce site ouvrira lundi. Les livraisons auront lieu les mercredis et vendredis. Les commandes doivent être d'au minimum 50 euros, et le prix de livraison sera proportionnel aux distances, mais limité à 15 euros au maximum.

"Une cinquantaine de livraisons à faire dans la journée"

Des initiatives du même genre ont été prises dans toute la France. À Cannes, le maire David Lisnard, récemment réélu, a créé un annuaire en ligne afin de recenser par quartier les commerçants capables de gérer des commandes à distance et livrer les particuliers.

"Je m'y suis mis du jour en lendemain', explique à BMFTV Franck Royer, vendeur de primeurs du marché Forville à Cannes. "Je pensais faire ça tranquillement, mais la demande explose. Ce vendredi, j'ai une cinquantaine de livraisons à faire. Entre la prise de commande, la préparation et la livraison, ce qui n'est pas évident. La logistique est plus complexe, mais je m'adapte", poursuit le commerçant cannois.

A Belz, dans le Morbihan, Simon Ezanno a transformé son magasin physique, la Cave de la Ria, en site de e-commerce en seulement 5 jours. Spécialisé dans l'épicerie fine et les spiritueux, il livre dans un rayon de 20 km et après 6 jours d'activités, il atteint déjà une soixantaine de commandes.

"Je comptais créer un site, mais bien plus tard. L'annonce du confinement a accéléré les choses ce qui m'a permis de maintenir mon activité", explique le dirigeant lors d'une conversation téléphonique, en pleine livraison. 

Avec l'aide d'une agence web de Lorient, la plateforme a été créée en 5 jours seulement à raison d'un travail de 15 heures par jour. Un temps record pour entrer seul plus de 150 références de produits. Depuis quelques jours, il vend aussi les produits de son voisin chocolatier.

"C'est Pâques, il ne peut rater cette saison", poursuit Simon Ezanno en précisant qu'il ne prend aucune commission sur ces ventes.

Le panier moyen en hausse de 75%

Pour aider les commerçants à s'adapter à ce nouveau modèle, des startups ont mis au point des technologies. Ollca, une plateforme e-commerce pour les artisans, constate chaque jour la monté en puissance du e-commerce artisanal. Implantée dans 17 villes de France, la société Ollca compte 400 commerçants partenaires et ne cesse de voir augmenter ce chiffre.

"Cette pandémie accélère nettement le nombre de demandes d'adhésion à notre plateforme avec plus de 20 demandes par semaine depuis janvier contre 5 demandes en temps normal", assure Victor Gobourg, fondateur du site.

Sur son site, les ventes en ligne ont augmenté de 77% depuis janvier dans l'ensemble de toutes les régions et dans tous les métiers: bouchers charcutiers, primeurs, fromagers et traiteurs. Entre janvier et mars, le panier moyen est passé à 78 euros, soit une hausse de plus de 75%.

Le constat est le même pour les Chambres d'agriculture qui avec le site "Mes Produits en Ligne" créent des Drive dans toute la France avec des produits d'agriculteurs. "Le panier moyen est passé à 53 euros et nous enregistrons 250 commandes par semaine contre 80 avant le confinement", indique Jean-Marie Lenfant, président délégué alimentation circuits courts Bienvenue à la ferme. 

Créé il y a 7 ans, cette plateforme attire chaque semaine de plus en plus de monde. "Depuis le confinement, nous avons reçu 30 demandes non seulement de la part d'agriculteurs, mais aussi de préfectures et des Régions".

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco