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Comment Kiabi fait mieux que résister à l'hécatombe dans le prêt-à-porter

Kiabi, avec ses produits à petits prix, a connu une année record.

Kiabi, avec ses produits à petits prix, a connu une année record. - PHILIPPE HUGUEN / AFP

La marque leader du prêt-à-porter en France a enregistré des hausses de chiffre d'affaires ces deux dernières années sans courir après la fast fashion mais en ciblant une clientèle familiale qui la plébiscite.

Une crise impitoyable s'est abattue sur le secteur de l'habillement depuis deux ans. Pimkie, Kookaï, Gap France, Camaïeu, Naf Naf, Du pareil au même, IKKS, Minelli, San Marina… sont tombées depuis 2022.

Et encore ces marques connues ne sont que la partie émergée de l'iceberg. C'est sans compter sur les centaines de petits magasins multimarques qui ont mis la clé sous la porte. Au total, depuis un an ce sont 1.000 entreprises du secteur qui ont disparu depuis un an pour un total de 4.000 emplois détruits.

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Pourtant, dans ce marasme sans précédent, une entreprise tient bon dans la tempête: Kiabi. Le leader français du textile a vu son chiffre d'affaire progresser de 1% l'année dernière (2,22 milliards d'euros) après un bond de 10% en 2022 déjà, alors que dans le même temps le marché du prêt-à-porter reculait au global de 3,5%, selon l'Alliance du commerce.

"L'année 2023 a été une année de résistance pour nous, reconnaît Fabrice Obenans, le directeur de la marque Kiabi. Les consommateurs ont opéré des renoncements mais nous avons résisté, notre situation est saine."

Le groupe qui fait partie de la galaxie Mulliez s'est même payé le luxe l'an passé d'ouvrir une trentaine de magasins et de s'implanter sur de nouveaux territoires comme l'Uruguay, l'Égypte, la Nouvelle-Calédonie ou plus récemment en Inde avec l'arrivée sur la marketplace Myntra, leader local du secteur.

"20 ans qu'il martèle le même message"

Si Kiabi tient debout dans un paysage où les marques de prêt-à-porter françaises du milieu de gamme tombent les unes après les autres, c'est le résultat d'un travail de longue haleine sur sa marque.

"Kiabi c'est la marque des familles et des petits prix, c'est très clair dans la tête des gens parce que ça fait plus de 20 ans qu'il le martèlent, analyse Frank Rosenthal, expert de la consommation. Quand une enseigne comme La Halle tentait une montée en gamme opportuniste et ratée, Kiabi a eu l'intelligence de garder son positionnement."

Plutôt que de courir derrière les marques de fast fashion comme Zara ou H&M qui lancent des collections toutes les trois semaines, Kiabi travaille sur le segment familial qui est le plus "mass market".

Cela passe notamment par la création d'un Observatoire des familles (comme le fait Leroy Merlin) pour bien connaître les attentes de leurs clients. Comment les Français s'habillent-ils? Quelles sont leurs attentes? Comment évoluent les tailles? Une approche quantitative qui leur permet d'adapter leurs collections (six périodes commerciales par an).

"Nous on ne fait pas de fast fashion, notre légitimité c'est sur l'enfant et le bébé, explique Fabrice Obenans. La fast fashion consiste à faire consommer des produits dont on n'a pas besoin. C'est l'inverse de ce que fait Kiabi."
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Cela se traduit par exemple par la gamme So Easy, des vêtements facile à enfiler et à retirer pour les enfants qui souffrent d'un handicap physique. Mais aussi par l'enseigne spécialisée Kiabi Kids que le groupe a relancé en 2022 pour conquérir les centres-villes.

Des prix bloqués

Autre raison de son succès: sa politique tarifaire. Dès 2022 avec la hausse des prix de l'alimentaire et du carburant, Kiabi a mis en place son "bouclier anti-inflation" en bloquant les prix de 140 produits basiques (jeans, soutiens-gorge, pantalons, pyjamas pour bébé…). Dans un contexte de hausse généralisée des prix, cela a permis à l'enseigne, comme un E.Leclerc dans l'alimentaire, d'être identifiée comme un sauveur du pouvoir d'achat.

Un investissement dans les prix que l'enseigne de la "mode à petit prix" a pu se permettre parce qu'elle n'est pas sur le segment low cost no plus, à la différence de certains de ses concurrents.

"Un Primark par exemple est très décroché en terme de prix avec un indice 60 contre 100 pour le marché. Kiabi c'est différent, ils ne doivent pas être très loin de la moyenne, explique Frank Rosenthal. Quand Primark a un public CSP-, Kiabi s'adresse davantage à une clientèle proche du salaire médian [2.100 euros par mois].

Des tarifs qui lui permettent de dégager des marges suffisantes pour financer son développement et surtout de vendre sur Internet, ce que Primark peut difficilement se permettre avec son modèle ultra low-cost. Kiabi réalise ainsi 16% de son chiffre d'affaires sur le web, soit l'équivalent de 90 magasins, sur un total de 606 points de contacts dans 26 pays.

Un travail sur les marques

Kiabi enfin tente de s'aventurer sur de nouveaux territoires comme la location de vêtement (pour les cérémonies par exemple), l'abonnement ou encore l'occasion depuis 2021. Les magasins disposent même désormais de corners "Seconde main by Kiabi".

"Un service très utile aux familles là encore, rappelle Fabrice Obenans. On est le premier vendeur de vêtements de seconde main en France dans les magasins physiques."

Des activités qui restent évidemment marginale dans les ventes globales de l'entreprise mais qui soignent l'image de modernité de la marque.

"Ça leur permet de ne pas être distancé, estime pour sa part Frank Rosenthal. Si vous ne faites pas d'abonnement, pas de seconde main, si vous n'êtes pas sur ces tendances-là, vous reculez sur un gâteau qui a déjà tencance à rétrécir. Surtout quand en face vous avez un Vinted."

Pour les années à venir, c'est un travail sur les marques que Kiabi a mis en chantier. D'abord en accueillant des marques tierces dans ses magasins comme Isotoner, les ustensiles Rand ou encore Chaussexpo. ) la manière d'une marketplace sur internet, cela permet à Kiabi de proposer plus de produits et d'engranger des revenus à moindre coûts.

Enfin, la marque veut étendre ses propres corners Kiabi pour proposer une sélections de vêtements dans les enseignes alimentaires comme elle le fait déjà chez Auchan en France ou Cora en Belgique.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco