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Ces boulangers qui tentent de faire fortune en s'installant à l'étranger

La boulangerie Eric Kayser de Dakar, au Sénégal

La boulangerie Eric Kayser de Dakar, au Sénégal - Seyllou- AFP

De Vancouver à Hong Kong en passant par Abidjan, certains boulangers français tentent leur chance à l'international. Mais la pression est grande, car pour faire tourner leurs commerces, le savoir-faire ne suffit pas, il faut aussi être un bon gestionnaire.

Le secteur de la boulangerie a ses stars, comme Eric Kayser ou Michel Galloyer, qui ont su faire connaître leur marque à travers le monde. Mais sans être aussi célèbre, les professionnels français sont très recherchés à l'international.

Sur le site boulangerie.net, animé par les professionnels du secteur, un boulanger français arrivé en janvier 2008 à Vancouver au Canada cherche à recruter un compatriote ayant "deux à dix ans d'expérience" pour accompagner la croissance de son entreprise familiale, qui emploie 50 salariés. Fin août, un boulanger français était recherché pour travailler à Fulham Road à Londres, un autre dans la station de ski de Geilo en Finlande.

Le "rayonnement de la baguette de tradition" 

Dans beaucoup de grandes villes françaises, "le séjour à l'étranger pour un jeune boulanger est maintenant très répandu" explique Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF). Pour lui, cette internationalisation illustre "le rayonnement de la baguette de tradition" française, en lice cette année pour être inscrite au patrimoine immatériel de l'Humanité.

Après la reconnaissance en 2017 du savoir-faire du pizzaiolo napolitain ou du meunier néerlandais, les boulangers français aimeraient que leur "tour de main unique" pour pétrir et faire lever la pâte soit aussi inscrit dans la célèbre liste de l'Unesco.

Mais pour réussir à l'étranger, l'équation est "complexe", prévient Eric Kayser. Il a ouvert plus de 160 magasins dans 27 pays depuis 18 ans et la France ne représente plus que 25% de son activité totale.

Des marges toutes petites

A l'étranger, le boulanger doit à la fois rester artisan et amoureux du beau geste, "tout en s'adaptant aux conditions locales, et en étant un expert immobilier pour éviter les loyers trop élevés", dit-il.

Le principal problème reste la rentabilité. "Nous ne vendons pas des sacs en cuir à 3000 euros l'unité, nos produits coûtent entre 3 et 5 euros, et il faut produire sur place, même dans les endroits où la main-d'oeuvre coûte très cher, comme à New York", relève Eric Kayser: "nous vendons de beaux produits, mais les marges sont toutes petites".

La greffe ne prend pas toujours. De nombreux boulangers-pâtissiers voyageurs rentrent en France au bout de deux ou trois ans. "Mon principal échec est Singapour" admet l'Angevin Michel Galloyer, fondateur des boulangeries "Le grenier à pain" dont une dizaine sont exploitées sous licence au Japon, en Roumanie, en Russie, en Arabie Saoudite, au Kenya, au Kazakhstan et au Liban. "A Singapour, nous avions fait le mauvais choix de partenaires qui ont mal appréhendé les difficultés", explique-t-il.

Au Japon, un boulanger reconnu comme "Dieu du pain"

Eric Kayser estime qu'en moyenne il reste "cinq à dix" boulangers français installés durablement par pays. Ils entraînent dans leur sillage de grands moulins français, comme les moulins Viron de Chartres qui alimentent en farine Michel Galloyer un peu partout dans le monde, mais aussi les fabricants de matériels spécialisés, comme Bongard (fours), VMI (pétrins), Merand (façonneuse, diviseuse), Panimatic ou Panem (chambres froides).

Originaire de Mayenne, Rodophe Landemaine, installé rue de Clichy à Paris, fait son trou au Japon. Dans ce pays, certains boulangers français sont devenus des légendes. A l'image de Philippe Bigot, décédé à la mi-septembre."M. Bigot était parti en 1964 à Kobe avec un professeur de boulangerie et n'a jamais quitté le pays", se souvient Eric Kayser. Après son décès, les grands médias japonais ont rendu hommage au "Dieu du pain". 

Au Cap-Vert, le produit d'appel est la baguette, ajoute Eric Kayser, qui ouvre des boulangeries même dans les pays à faible revenu, car le pain est "universel" et "pour tout le monde". Mais ailleurs, c'est le croissant qui fait craquer les consommateurs. "Dans un même lieu, on vend mille croissants par jour et par boulangerie", selon Michel Galloyer.

Parfois les recettes sont adaptées au goût local, admet Eric Kayser, qui a ajouté du matcha à ses petits "financiers". Michel Galloyer, lui, affirme ne rien changer à ses recettes: "Si vous faites des gâteaux au yuzu aux Japonais, ils n'ont pas besoin de vous".

C.C. avec AFP