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Bijouterie: les diamants de synthèse séduisent de plus en plus de Français

Encore minoritaires, ces pierres synthétiques ont chamboulé le marché français du bijou en 2018. Leur succès force les acteurs historiques du diamant naturel à se lancer dans une bataille de communication.

Les diamants conçus en laboratoire commencent tout doucement à tailler des croupières à leurs homologues remontés des profondeurs. Ces pierres de synthèse, bien moins cher, ont pris une part significative du marché de la joaillerie l’année dernière.

Produits en quelques semaines seulement, alors qu'un diamant naturel est âgé d'un à trois milliards d'années, les diamants artificiels naissent en laboratoires. Ils ont les mêmes caractéristiques physiques et chimiques que les pierres "réelles". Tellement semblables que leurs différences ne sont pas discernables à l'oeil nu. Les joaillers savent les différencier mais il leur faut un microscope. 

"En France, en 2017, il n'y avait pas ou quasiment pas de ventes. Et pour la première fois en 2018, la vente de bijoux avec des diamants de synthèse est devenue significative", résume à Hubert Lapipe, directeur général de la Société 5 qui compile avec le comité professionnel Francéclat le rapport annuel du secteur horlogerie-bijouterie.

Ces organismes se basent sur leur panel, qui analyse les ventes de plus de 2000 bijouteries dans l'Hexagone. Au quatrième trimestre 2018, il fait état d'une proportion (en unité, pas en valeur) de 6% de bijoux sertis de diamants synthétiques parmi les ventes de bijoux avec diamants de 0,3 carat et plus.

Carton des solitaires de laboratoire

"Les principaux produits vendus sont des solitaires en bagues (51%), colliers et boucles d'oreille", précise Hubert Lapipe. "Et surtout, ils sont 50% moins chers" que les bijoux en diamants naturels, monture comprise", souligne-t-il.

Ce spécialiste du secteur estime que "c'est encore un petit marché. Mais il va prendre une place d'une manière ou d'une autre, le mouvement est déjà en marche notamment aux États-Unis, et la production se déplace massivement vers la Chine".

Reste à savoir si les achats de ces diamants de synthèse se feront aux dépens des diamants naturels, ou s'ils dynamiseront le marché dans sa globalité. "Ce qui est sûr, c'est que cela va permettre de toucher d'autres types de clientèles qui veulent payer moins cher, qui comparent les prix. Mais cela va aussi permettre aux vendeurs de pierres naturelles de mettre en avant et valoriser leur aspect patrimonial", estime Hubert Lapipe.

Pour Francéclat également, "ces pierres de synthèse aux prix nettement inférieurs aux gemmes naturelles pourraient animer le secteur mais également diversifier la clientèle du diamant".

De Beers se met au diamant de synthèse

Sans attendre de juger sur pièce, les producteurs mondiaux de diamants sont déjà passés à l'offensive. Les huit plus gros d'entre eux - tels De Beers, Alrosa ou encore Rio Tinto - se sont réunis en 2015 au sein d'une association, DPA, pour promouvoir le caractère "unique", "authentique" et "réel" du diamant. Pour la seule année 2019, ils ont prévu d'investir quelque 60 millions d'euros dans des campagnes de publicité et d'information afin de ne pas "laisser s'installer "un déficit d'image et de pertinence" du diamant, "notamment chez les Millenials".

En parallèle, le leader mondial, De Beers, s’est également lancé sur le business du diamant de synthèse. La production totale de ces diamants de laboratoire est estimée à 3 - 4 millions de carats, contre 150 millions de carats pour les diamants naturels.

Mais à mesure que la production augmente, la bataille de communication fait rage, notamment sur le thème des mots autorisés pour qualifier ces pierres. En France, un décret interdit ainsi l'emploi de termes comme "diamant cultivé", "de culture", "précieux", "véritable" ou encore "naturel" pour désigner des diamants synthétiques.

Mais des acteurs de l’industrie du diamant de laboratoire, comme le fondateur de la marque de bijoux Courbet, milite auprès de députés pour faire changer la désignation officielle de ces gemmes, "diamants de synthèse", qui laisse entendre "faux" estime-t-il. L'entrepreneur préférerait les plus glamours "diamants de culture" ou "diamants de laboratoire". Aux États-Unis, on les nomme "culturing diamonds". 

Nina Godart