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Consommation d'électricité: a-t-on fermé Fessenheim trop tôt?

La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin).

La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). - Frédérick Florin - AFP

Le gestionnaire du réseau électrique français a appelé les Français à réduire leur consommation d'électricité. Certains pointent du doigt la récente fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

On baisse le chauffage et on coupe la télévision. Pas de coupures d'électricité à craindre, mais il faut s'attendre à un hiver compliqué : depuis plusieurs mois, EDF et RTE, le gestionnaire du réseau électrique, mettent en garde contre la possibilité de tension sur les lignes électriques. Prévoyant des journées froides pour l'Hexagone, RTE appelait les Français à diminuer leur consommation ce vendredi matin, et cela pourrait se reproduire jusqu'au retour des beaux jours.

Lorsque les températures chutent, les Français montent le chauffage. Et les éoliennes, elles, tournent au ralenti en raison des épisodes anticycloniques et des vents quasiment absents. La production électrique reste suffisante pour assurer l'approvisionnement nécessaire au pays – pas besoin de débrancher son réfrigérateur – mais la marge de sécurité disponible est réduite. D'autant que la pandémie est passée par là: le confinement a bousculé le planning des opérations de maintenance des centrales nucléaires, et les réacteurs à l'arrêt sont plus nombreux que d'habitude.

En attendant Flamanville

"C'est vrai qu'il y a eu des retards sur les opérations de maintenance, mais il y a aussi eu beaucoup de rattrapage ces derniers mois. Le parc nucléaire français fonctionne actuellement à 80% de sa capacité", assure Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), qui regroupe des professionnels de l’énergie atomique. Mais pour certains, lorsque l'on évoque la tension hivernale sur le réseau, le coupable est au bord du Rhin: la centrale nucléaire de Fessenheim. Ou, plutôt, l'arrêt définitif de ses deux réacteurs en février et juin dernier.

La réponse n'est évidemment pas aussi simple. D'une capacité de 1.800 MW, Fessenheim pèse assez peu dans le parc nucléaire français – la centrale de Gravelines, dans le Nord, possède six réacteurs – et sa fermeture avait été décidée bien avant la crise sanitaire. "Fermer Fessenheim, ce n'était pas malin car nous avons diminué nos marges de manœuvre sur le réseau électrique. Mais quand la goutte d'eau fait déborder le vase, est-ce la faute de la goutte d'eau?", avance Nicolas Goldberg, expert au sein du cabinet Colombus Consulting, pointant les problèmes d'approvisionnement sur le réseau tricolore.

La mise en service de l'EPR de Flamanville, repoussée à plusieurs reprises en raison de défaillances techniques sur le chantier normand, n'est attendue qu'en 2024. Au même moment, pour respecter les objectifs de la loi de transition énergétique, plusieurs centrales au fioul ou au charbon ont été arrêtées.

"Les énergies renouvelables ne se sont pas développées aussi vite que prévu. On paye le développement trop long de certains projets. Il y aurait moins de tension sur le réseau si on avait respecté nos objectifs", estime Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Centrales à charbon

Sept parcs éoliens offshore – l'éolien en mer, où les vents sont plus fréquents, est moins dépendant des vagues de froid – sont en construction ou en développement au large des côtes françaises, de Dunkerque à Noirmoutier. Soit, à terme, une puissance totale de 3.500 MW, l'équivalent de 2 réacteurs EPR. Mais le parc de Saint-Nazaire ne devrait être raccordé au réseau qu'à l'été 2022 au plus tôt, et les suivants ne sont pas attendus avant 2023 ou 2024.

"Même si ce n'est pas le coeur du problème, la centrale de Fessenheim a sans aucun doute été fermée trop tôt. L'urgence était politique, pas industrielle. Fermer des centrales au charbon, c'est bien pour le climat, mais il faut que d'autres prennent le relais", juge Nicolas Goldberg.

Le risque, en attendant, c'est que l'on reporte la fermeture de ces centrales au charbon. La fermeture du site de Cordemais, en Loire-Atlantique, est conditionnée à la mise en service de l'EPR de Flamanville et de la centrale au gaz de Landivisiau. Pour l'instant, sa fermeture a été repoussée en 2024, voire en 2026.

Jérémy Bruno